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SHAKSPEARE ET LA MUSIQUE


Shakspeare in music, by Louis C. Elson ; London, 1901, David Nutt.


Suivons le même ordre que pour Dante : commençons par étudier Shakspeare dans la musique, et puis nous rechercherons ce qu’il y a de musique en lui.


I

Shakspeare a peut-être plus souvent que Dante inspiré la musique. Il n’y a pas de grand poète pour lequel, — et contre lequel aussi, — elle ait fait davantage. La musique, plusieurs du moins l’ont ainsi définie, est l’art du sentiment. Et le sentiment, encore plus que l’idée, forme le royaume de Shakspeare, son royaume immense en étendue comme en profondeur. On assure également que la musique a pour mission d’exprimer le côté dynamique et non statique des passions, ou, si vous préférez un langage moins barbare, leur force, leurs degrés et leurs mouvemens plutôt que leurs qualités et leur nature. Or, il n’est pas douteux que, dans cet ordre de l’action ou de l’activité de l’âme, de ses crises et de ses transports, Shakspeare encore n’offre au génie même de la musique une matière qu’il n’épuisera pas. Si enfin, comme Wagner a cru le découvrir et n’a fait en réalité que le rappeler, la musique a pour objet « le purement humain, » c’est-à-dire le sentiment en soi, dégagé de toute particularité et de toute contingence, elle trouvera dans Shakspeare le fond ou l’essence de la pure humanité. Ainsi la poésie de Shakspeare peut servir le drame lyrique moderne, qui se