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nouvelle ligue fondée par M. William O’Brien, la Ligue irlandaise unie, l’United Irish League.


II

L’Irlande a toujours eu, depuis un siècle, de ces grandes ligues d’agitation populaire dont il semble que ce soit elle qui ait donné l’exemple, la formule, à l’Angleterre moderne : après l’ « Association catholique » et la Repeal Association de Daniel O’Connell, elle eut l’Irish Tenant League, de triste mémoire ; elle eut plus tard, avec Parnell, la Ligue agraire et la Ligue nationale, comme elle a aujourd’hui la Ligue irlandaise unie, fille de celles-là. Il y a pour elle une nécessité de fait, — c’est du moins sa conviction, — à maintenir sur son sol une certaine forme d’organisation politique et une certaine forme d’agitation politique : l’une, pour assurer l’union des nationalistes irlandais et maintenir au-dessus des partis le drapeau des revendications nationales ; l’autre, pour contraindre l’Angleterre aux mesures de réparation qu’elle ne consent jamais de son plein gré. « De l’agitation, de l’agitation ! » disait, il y a quinze ans, aux Unionistes de l’Ulster un homme qui pourtant n’avait rien d’un agitateur de profession, — ce n’était autre que lord Salisbury, — « on n’obtient rien aujourd’hui que par l’agitation ! »

L’United Irish League, l’U. I. L., comme on l’appelle, naquit en 1898 à Westport, dans le comté de Mayo ; elle grandit assez vite pour que, dès l’année 1900, elle fût devenue politiquement une puissance prépondérante, l’organe quasi officiel du nationalisme irlandais. Elle est aujourd’hui maîtresse presque souveraine dans l’Ouest de l’Irlande, dans le Connaught, elle a une situation assez forte dans le Sud et dans l’Est, et quant au Nord, à l’Ulster protestant et unioniste, il est à peine besoin de dire que son existence n’y est que nominale. Elle a en Irlande, dit-on, plus de douze cents branches ou comités locaux, centres plus ou moins actifs d’action et d’agitation qui récoltent des fonds et obéissent, — plus ou moins, — au Directory central de Dublin ; elle a une ligue-sœur aux États-Unis, une autre en Australie, une autre, assez puissante, en Angleterre. Comme personnel, elle a englobé de gré ou de force, à une exception près, celle de M. Healy, la plupart des hommes politiques en renom de