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IX

La marche de toutes les fractions de l’armée du Prince royal avait été fort rapide. Bonin venait le dernier. La Garde et le 6e corps (Mutius), chacun de leur côté, tiennent la tête. Les détestables routes ne les ralentissent pas ; à mesure que le bruit du canon leur parvient, leur pas s’accélère. Le chef de l’artillerie de la Garde, le prince de Hohenlohe, ne se résigne pas à piétiner en queue, selon la règle du temps : inaugurant une disposition destinée à devenir la règle future, il s’avance à travers les champs et les blés très hauts, et vient se placer en tête de la colonne.

A 11 heures et quart, le Prince royal atteint la hauteur de Choteborek. Il ne dispose que de trois divisions, 1re de la Garde, 11e et 12e. Il ne distingue point, par ce jour sombre, le champ de bataille dans toute son étendue ; il aperçoit seulement sur la hauteur de Horenowes une batterie et deux grands peupliers : c’est le but qu’il assigne à ses troupes. On se remet en marche avec plus d’ardeur. Les drapeaux sont déployés et les ministres de chaque religion portent leurs exhortations d’un bataillon à l’autre. Oh ! les braves soldats ! ils sentent qu’on les attend. Il faut qu’ils arrivent, ils arriveront.

Toutefois, mal liés, peu nombreux, essoufflés par un violent effort, qu’auraient-ils pu contre deux corps d’armée et trois cents bouches à feu ? Mais ils ne trouvent personne devant eux. La batterie de Horenowes ne les gêne pas longtemps ; dès que le village est pris, ne se sentant plus soutenue, elle disparaît et se retire par Maslowed sur les hauteurs de Nedelist. La Garde précipite son mouvement offensif, gravit le plateau, occupe le village de Maslowed ; les divisions du 6e corps, enlèvent Racitz peu occupé, puis, après une faible résistance, le moulin et le village de Trautina, franchissent le ruisseau et se préparent à attaquer Lochenitz (2 heures).

Enhardi par le succès de ses premières audaces, le général Hiller, de la Garde, en tente une plus hasardeuse : il s’avance sur la clef de la position, Chlum. L’humidité de l’air, qui empêche la fumée de s’élever et en fait une sorte de brouillard, les accidens de terrain, le dérobent au regard des batteries échelonnées entre Chlum et Nedelist. A Chlum, il rencontre quelqu’un : mais qui ? Les IVe et IIe corps, qui ont piteusement regagné