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a été préparé, prémédité, conduit par des souverains investis d’un pouvoir personnel omnipotent et par des ministres irresponsables. Ni le Parlement français, ni le Parlement prussien ne l’eussent toléré. Notre Corps législatif, s’il avait eu devant lui des ministres responsables, les aurait obligés à s’opposer à une action commune de la Prusse et de l’Italie, ou les aurait renversés sur l’heure par une écrasante majorité. De même, en Prusse, les représentais du peuple, s’ils en avaient eu le pouvoir, eussent non moins énergiquement empêché la guerre contre l’Autriche, et Bismarck eût été remplacé par un pacifique.

Il ne serait pas vrai davantage de considérer les agrandissemens de la Prusse comme la conséquence inévitable de l’abandon du Danemark. De ce que l’on avait permis à la Prusse d’arracher des Allemands à l’oppression danoise, il n’en résultait pas qu’inévitablement la Prusse dût soumettre à la sienne d’autres Allemands ayant la volonté de rester indépendans. L’expédition contre le Danemark n’était pas l’absolution anticipée de celle contre Francfort, le Hanovre et la Hesse : elle en était la condamnation.

Les heures cruelles approchent ; nous allons entrer dans la voie douloureuse. A la pensée des amertumes qui nous y attendent, mon courage défaudrait, si je n’étais soutenu par la ferme conviction qu’aucune des idées généreuses dont la France a été le symbole et l’apôtre ne deviendra, pas plus qu’elles ne l’ont été jusqu’à présent, la cause des malheurs qui vont s’amonceler sur sa tête.


EMILE OLLIVIER.