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Benedetti effaça lui-même du projet de traité Landau et Sarrebrück, ne voulant pas se créer de difficultés insurmontables. Il transcrivit ce projet sur le papier de l’ambassade, et ne se crut pas obligé de préparer l’entrevue par une lettre. Cette fois, pas de propos pénible, pas de sinistres prédictions, pas de grondemens sourds d’une colère contenue, un accueil souriant, une satisfaction entière : « Certainement, dans ces conditions, on peut se mettre d’accord. Que n’avez-vous toujours parlé de la sorte ? Votre projet est bon ; il faut le rendre excellent. Ainsi vous dites, à la (in de l’article premier, que l’Empereur reconnaîtra les arrangemens pris ou à prendre pour l’établissement d’une confédération dans l’Allemagne du Nord, l’engageant à prêter son appui à la conservation de cette œuvre. L’intention est très amicale et j’y suis très sensible ; cependant, remarquez que votre protection constituerait une immixtion de la France dans les affaires intérieures de l’Allemagne. — C’est juste, répond Benedetti, supprimons la clause. » Chaque article fut ainsi examiné ; la rédaction de la fin du second article fut même spontanément améliorée par notre ambassadeur. — « A la bonne heure, cela va bien maintenant, dit Bismarck ; pour que nous puissions mieux juger de l’ensemble, relisez le tout. » Et Benedetti lit :

« ARTICLE 1er. — Sa Majesté l’Empereur des Français admet et reconnaît les acquisitions que la Prusse a faites à la suite de la dernière guerre.

ART. 2. — Sa Majesté le Roi de Prusse promet de faciliter à la France l’acquisition du Luxembourg

ART. 3. — Sa Majesté l’Empereur des Français ne s’opposera pas à une union fédérale de la Confédération du Nord avec les États du Midi de l’Allemagne, à l’exception de l’Autriche, laquelle union serait basée sur un Parlement commun, tout en respectant dans une juste mesure la souveraineté desdits Etats.

ART. 4. — De son côté, le Roi de Prusse, au cas où Sa Majesté l’Empereur des Français serait amené par les circonstances à faire entrer ses troupes en Belgique, ou à la conquérir, accordera le concours de ses armes à la France.

ART. 5. — Pour assurer l’entière exécution des dispositions qui précèdent, Sa Majesté le Roi de Prusse et Sa Majesté l’Empereur des Français contractent par le présent traité une alliance offensive et défensive. »