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ainsi à la ville de Paris un boulevard inexpugnable qui en ferait véritablement le cœur de la France. » — Dumouriez proposa à la Révolution le plan de Mazarin et le réalisa. Louis-Philippe en revint à celui de Richelieu. Rouher fit reprendre par l’Empereur l’idée de Mazarin et de Dumouriez, mais dans des temps et des conditions où ils ne l’auraient probablement conçue ni l’un ni l’autre.

Goltz l’y encourageait fort, car il estimait qu’en dehors de l’Allemagne, nous avions droit à une compensation. Le 16 août, Rouher envoya à Benedetti, par un messager spécial, l’instruction confidentielle de négocier un traité secret et un traité ostensible. Le traité ostensible nous eût concédé Landau, Sarrelouis, Sarrebrück, et, si l’abandon de ces villes offrait des difficultés insurmontables, le Luxembourg. Le traité secret eût établi, entre la France et la Prusse, une alliance défensive et offensive, stipulant la faculté de mettre la main sur la Belgique avec le concours armé de la Prusse, si les résistances de l’Angleterre n’étaient pas apaisées par la constitution d’Anvers à l’état de port libre. L’opportunité de cette mainmise eût été laissée à notre appréciation : c’eût été certainement au moment où la Prusse tenterait d’étendre sa suprématie au-delà du Mein. M. De Bismarck demanderait-il quel avantage lui offrait un pareil traité, la réponse serait : « Il vous assure une alliance puissante ; il consacre toutes vos acquisitions d’hier et, en échange, il ne consent à laisser prendre que ce qui ne vous appartient pas, il ne vous impose aucun sacrifice sérieux en retour des avantages qu’il obtient. »


XI

Metternich avait dit : « L’existence du royaume belge est le produit de circonstances fortuites, non celui de conditions naturelles, soit géographiques, soit historiques, conditions sur lesquelles repose la force véritable des États[1]. » — Les Belges ne s’étaient pas contentés de répondre historiquement que, depuis les ducs de Bourgogne, la nationalité belge n’avait pas cessé de subsister, tantôt opprimée, tantôt triomphante, toujours vivace. Ils avaient prouvé leur vitalité et leur droit à l’existence

  1. Mémoires, tome V, page 624.