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hâter le moment où nous aurions à le subir. Certainement, toute cette politique avait été mal informée et mal réfléchie, prompte aux illusions, aux précipitations, aux inconséquences. Mais ce qui était accompli n’était pas réparable. A moins de détruire par le canon ce que le canon avait édifié, il n’y avait qu’à en prendre son parti et, afin que cette résignation devînt profitable, ne pas la rendre grincheuse, ne pas l’accompagner de réticences équivoques.

« L’unité de l’Allemagne, avait écrit un des plus libres et des plus perspicaces écrivains du Journal des Débats, Saint-Marc Girardin, serait un grand coup porté aux traités de 1815, et à ce titre comme à tant d’autres, cette Unité, quelle qu’en soit la forme, pourvu qu’elle soit libérale et parlementaire, nous plairait[1]. » — « Il manque quelque chose à la Prusse, avait dit aussi Forcade, le remarquable chroniqueur de la Revue des Deux Mondes[2], au point de vue de la configuration territoriale et des ressources qui font ce qu’on est convenu d’appeler une grande puissance, et il manque quelque chose à l’Allemagne au point de vue de la représentation politique extérieure de son génie, de sa force et de sa grandeur. Nous ne nous reconnaissons pas le droit de contester la fin où tendent la Prusse et l’Allemagne. » Le Prince de Joinville, oubliant ses douleurs d’exilé pour n’écouter que la voix perspicace du patriotisme, écrivait, dans une belle étude sur Sadowa, qu’aujourd’hui encore il y a profit à relire : « Avec un peu plus de sang-froid, nous aurions reconnu que, malgré tous les accroissemens, la Prusse était loin du chiffre de notre population, qu’elle était loin de posséder toutes nos ressources militaires. Nous ne croyons pas nous tromper en disant qu’il y a eu chez nous, peuple et gouvernement, un effet d’imagination regrettable. »

L’Empereur, du haut de son trône, aurait dû dire : « La transformation de l’Allemagne relève de l’ordre intérieur dont nous n’avons pas à nous mêler. Notre mission est de détruire les derniers vestiges de la Sainte-Alliance, non de la recommencer. Si l’organisation de l’Allemagne était affaire internationale, nous serions obligés de nous élever contre l’annexion du Hanovre, de la Hesse, etc., opérée sans le consentement des populations, contrairement au principe de notre règne, celui des nationalités.

  1. Journal des Débats, 24 juin 1866.
  2. Revue des Deux Mondes du 15 avril 1866.