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bataillons de la division Horn. Avec ses quatorze bataillons et ses vingt-quatre pièces, Fransecky oppose à des forces sept à huit fois plus nombreuses une de ces résistances héroïques, dont il est peu d’exemples dans l’histoire des guerres. De taille haute, mince, d’une physionomie intelligente et distinguée, il reste impassible, debout, au milieu des cadavres amoncelés à ses pieds : le bois est traversé par des projectiles qui abattent branches et arbres sur les hommes toujours moins nombreux. « Enfans, crie-t-il, nous devons tenir ou mourir jusqu’à ce que le Prince royal arrive ! — Nous tiendrons ou nous mourrons, » répondent les soldats. Mais le fusil à aiguille est vaincu par le nombre, et le Prince royal n’est pas en vue. La victoire des Autrichiens n’est plus qu’une question de moment ; les derniers défenseurs du bois, s’ils ne s’enfuient pas, vont être écrasés.

A droite, vers Nechanitz, le combat prenait une tournure plus favorable aux Prussiens. Leurs pontonniers n’ayant pas établi de ponts de bateaux, les trois divisions de l’armée de l’Elbe ne pouvaient déboucher sur la rive gauche de la Bistritz. Herwarth fit réparer avec des poutres empruntées aux maisons des villages le pont détruit. Une portion des trois avant-gardes franchit à gué la rivière profonde d’un mètre et demi. Lubno et Hradek tombent entre leurs mains, et la division Caussein se déploie en arrière, sur la rive gauche ; mais les deux autres divisions n’avançaient guère, et ne se trouvaient pas en état encore d’agir efficacement contre l’aile gauche autrichienne (11 heures).


VIII

Sur les hauteurs de Dub, on ignorait ces progrès et l’on ne voyait que la situation désespérée de Fransecky, celle critique des cinq divisions canonnées le long de la Bistritz ou blotties derrière les arbres du bois de Sadowa. Toutefois, le Roi restait imperturbable d’aspect ; aucune préoccupation ne paraissait altérer le coupant visage de parque de Moltke ; Bismarck, enveloppé d’un manteau gris, le casque d’acier en tête, sur un alezan gigantesque, braquait ses yeux étincelans dans une lorgnette dirigée vers le point de l’horizon par où devait arriver le Prince royal. Autour d’eux, les mines s’allongeaient, anxieuses ; on échangeait à voix basse des appréhensions et l’on se demandait si l’armée qui apporterait la victoire arriverait enfin (midi). Mais Benedek