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toute impatience à part. Quand on se bat, je trouve que votre place est sur le champ de bataille ; mais, quand on se repose, votre place est partout. C’est à vous de choisir et de consulter ce qui convient le mieux aux hommes que vous commandez. Consultez (moralement) le régiment qui vous est confié, et demandez-vous s’ils n’ont pas gagné de rentrer en France à leur tour, et si, vous-même, vous n’y avez pas quelques droits, après six mois d’une vie si dure et si périlleuse ? Je sais d’ailleurs que vous vous soumettez aux décisions d’en haut, et je vois, je ne vous le cache pas, une disposition très prononcée de rappeler en France le 17e léger. Vous aurez encore une belle mission à remplir : le gouvernement d’un régiment, tout entier réuni dans la même garnison, est l’occupation d’un homme fait. Il y a énormément de bien à accomplir ; vous le savez mieux que moi ; revenez-nous donc ; vous serez précédé ici par une très bonne renommée, et vous y aurez une excellente position, qui est votre ouvrage…


Vendredi 9 juillet.

Mes pressentimens ne m’avaient pas trompé ; vous avez été malade, et bien malade ; les dernières nouvelles, tout en nous rassurant sur les suites de la sérieuse atteinte dont vous avez souffert, nous ont appris tout ce que le passé a eu de grave et d’inquiétant. J’ai tout lu avec une émotion que vous vous figurez sans peine, et vous croirez aussi que j’ai éprouvé un bien amer regret, à la pensée que j’étais si loin de vous quand ma présence aurait pu vous être utile et mes soins vous soulager. Je sais par quelle admirable sollicitude mon dévouement était remplacé. Mais il y a une affection que rien ne remplace, c’est celle qui dure depuis quatorze ans, et qui ne vous avait pas quitté depuis votre enfance jusqu’à cette triste épreuve par laquelle vous venez de passer, et dont j’aurais aimé à diminuer la violence au prix de ma santé et même de ma vie. J’ai demandé à vous aller rejoindre, je le demande encore ; la Reine m’a objecté d’abord l’inconvénient de donner à croire que vous étiez très malade ; aujourd’hui c’est votre retour probable et prochain qu’on m’oppose… Tantôt c’est votre régiment qui doit revenir ; tantôt c’est vous qui devez précéder en France votre régiment. Mardi, Mgr le Duc d’Orléans, qui ne laisse pas passer une soirée sans m’entretenir de vous avec une chaleur d’amitié et de souvenir vraiment touchante ; mardi, Son Altesse Royale me dit que