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dis là rien que vous ne sachiez ; néanmoins je continuerai à vous tenir au courant de tout, au risque de faire double emploi. Vous me lirez toujours, j’en ai la confiance, dussiez-vous avoir à lire la même chose deux fois.

Adieu, mon bien cher Prince ; voici une bien longue lettre, pour une vie si occupée et si active que la vôtre ; j’espère qu’elle vous trouvera de loisir, après la campagne de Milianah, que je voudrais bien savoir finie. Mais, après celle-là, une autre ! il faut se résigner à vivre d’inquiétudes et d’alarmes pendant quelque temps ; mais que ce sera un beau jour, celui où vous débarquerez avec votre régiment sur notre rivage de France ! Adieu !


Paris, vendredi 9 avril 1841.

Nous vivons fort paisiblement ici ; la politique fait son carême… Nous sommes en train de nous réconcilier avec les cinq puissances ; la paix est partout ; le pays est tranquille ; il n’y a donc plus que l’Afrique qui nous occupe : tâchez que cela dure le moins possible, si vous y pouvez quelque chose. J’attends avec bien de l’impatience des nouvelles de votre campagne. Adieu ! Conservez votre santé, votre vigueur, votre gaîté. C’est mon vœu le plus cher. Après cela, pensez un peu aux absens qui vous aiment : je suis bien sûr, alors, d’avoir un souvenir de vous…


Paris, 30 avril 1841.

J’ai reçu, mon cher Prince, par le dernier courrier, votre lettre du 18 avril et je vous en remercie pour le bonheur qu’elle m’a procuré. A vous parler franchement, j’étais sans nouvelles de vous. Jamin a été admirable de complaisance et d’exactitude à mon égard ; mais la nécessité où il s’est trouvé d’écrire une longue lettre à Sa Majesté sur votre expédition de Médéah, ne lui a pas permis de m’envoyer les mêmes détails, en sorte que je n’ai rien su de vous, des chances que vous avez pu courir, des faits d’armes auxquels vous avez pu prendre part, que par le Moniteur d’Alger et le rapport du Gouverneur, lesquels ne disaient presque rien. J’en ai conçu quelque chagrin. Etre seul à ignorer ce qui vous touchait personnellement, dans une affaire glorieuse d’ailleurs pour tout le monde, me semblait un lot quelque peu triste, et je l’ai dit à Jamin. Peut-être en avez-vous su quelque chose. Mais ne prenez pas cela pour de l’exigence : je n’en aurai jamais de ce genre. Je sais la peine qu’on a souvent