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il faut traiter les gens comme ils nous traitent eux-mêmes ! — Nous ne rechercherons pas dans quelle mesure les États-Unis ont été sensibles aux politesses de l’empereur Guillaume : mais ils l’ont été aussi, en sens inverse, à ce que sa politique a eu parfois de moins obligeant à leur égard. La manière dont l’escadre allemande a opéré, il y a quelques mois, sur les côtes du Venezuela pèse encore sur le cœur des Américains ; ils ne l’oublieront pas de sitôt. Ils l’ont jugée exempte de ménagemens pour quelques-unes de leurs prétentions les plus chères, et de tout cela il y a encore trace dans les esprits. C’est ce qui a quelque peu envenimé une affaire qui n’avait en elle-même rien que de très simple. On assure que les États-Unis, dont les intentions ont été méconnues, sont tout disposés à effacer des préventions injustifiées, et qu’ils enverront aux fêtes de Kiel la même escadre qui se rend aujourd’hui à Marseille au-devant de M. Loubet. Ainsi tout sera réparé et l’incident sera clos. Mais il est un indice curieux de ce que sont aujourd’hui les relations des États-Unis et de l’Allemagne : le moindre feu y fait beaucoup de fumée.

Nous n’avons heureusement rien de pareil à craindre dans nos rapports avec une puissance quelconque. Les préventions qui ont existé autrefois contre nous de la part de quelques-unes d’entre elles, de l’Italie, par exemple, sont complètement dissipées ; elles ont fait place à des sentimens bien différens. Quoique l’Italie fasse partie de la Triple-Alliance, et que nous ayons contracté une contre-alliance avec la Russie, nos rapports avec elle sont redevenus aussi bons qu’ils l’aient jamais été. Si nous en faisons la remarque une fois de plus, c’est que les démonstrations navales qui viennent d’avoir lieu dans la Méditerranée sont elles-mêmes une preuve nouvelle de ce que ces grandes alliances européennes ont acquis de souplesse sans rien perdre de leur force. Le temps est passé, si même il a jamais existé, où elles cantonnaient en quelque sorte dans des cadres fermés les puissances qui les avaient conclues. Aujourd’hui, au contraire, ces cadres se sont ouverts ; le fait d’être entré dans un système d’alliance n’empêche aucune puissance de voisiner avec celles qui sont entrées dans un autre et il semble que rien ne soit plus conforme au but pacifique de toutes ces combinaisons.

L’Allemagne en jugerait-elle différemment ? On pourrait quelquefois le croire, en lisant ses journaux. Ce n’est pas à l’Italie qu’ils s’adressent, mais à nous, et ils y apportent une préoccupation de nos intérêts dont nous finirons peut-être par nous voir obligés de les remercier. Ils tremblent toujours qu’une démarche inconsidérée de