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cavalerie auxiliaire, destinés à voler par essaims autour des colonnes d’envahissement comme les redoutables cavaliers de Massinissa, à harceler les convois ennemis, à couper les communications, à couvrir et à éclairer nos troupes. Enfin, l’effectif de nos batteries d’artillerie pourrait être renforcé, et par conséquent leur nombre augmenté, en admettant comme servans des Arabes, au moins dans les batteries de position. Ce système, longtemps écarté d’une manière absolue par nos officiers, qui craignaient de voir les indigènes se familiariser avec le mécanisme des bouches à feu, a reçu pendant ces dernières années une application fréquente dans nos expéditions coloniales, où il a rendu les meilleurs services ; pourquoi ne pas l’étendre avec prudence et discernement en Algérie ?

Il est une question très délicate et sur laquelle les opinions sont très partagées, c’est celle de la protection des colons contre les indigènes, sur tous les points que les troupes régulières devront abandonner pour se concentrer. Peut-on mobiliser réservistes et territoriaux, leur faire abandonner leurs villages, en laissant à la merci des Arabes, dont les sentimens sont connus, les femmes et les enfans ? Ne faut-il pas prévoir, dans chaque centre, l’organisation d’un réduit pour la population non combattante, armer tous les hommes valides au-dessous de vingt et au-dessus de quarante-cinq ans[1] ?

En même temps que l’augmentation des effectifs, il est indispensable de poursuivre l’organisation de certains centres de résistance et la reconstitution de certains établissemens militaires qui ont existé autrefois et, par une incroyable aberration, ont été abandonnés[2]. Il faut enfin créer certaines voies de communication destinées à faciliter le transport accéléré des troupes de défense. Un rapide coup d’œil jeté sur nos deux colonies du Nord de l’Afrique nous permettra d’en reconnaître les points faibles.

Depuis la frontière du pachalik de Tripoli, tout le littoral tunisien, malgré les difficultés d’accès sur nombre de points, peut être menacé d’un débarquement ; mais cette opération ne paraît pas devoir être tentée en grandes masses, car, pour

  1. Il n’est ici question que de la protection des centres, car il est peu probable qu’on puisse défendre efficacement les fermes isolées.
  2. L’État a abandonné il y a une dizaine d’années les bâtimens d’une vaste poudrerie à Constantine ; il est décidé maintenant qu’on va remettre en activité cet établissement.