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conduite ; au lieu de déterminer promptement les tribus et les individus qui devaient être frappés, l’administration algérienne poursuivait encore l’application du séquestre de 1871 plus de vingt ans après l’insurrection, ce qui, aux yeux des indigènes, apparaissait comme une criante injustice. Quand, en un moment critique, on croit devoir recourir à un moyen aussi exceptionnel, il faut frapper un grand coup, aussitôt après la faute, mais ne pas éterniser la répression, car elle devient alors une source de ressentiment, un prétexte de vengeance[1].

Dans des circonstances où l’application du séquestre serait exagérée, l’administration algérienne a souvent eu recours à la responsabilité collective, et ce procédé sommaire paraît encore le seul capable de remédier aux déprédations des indigènes, lorsqu’elles prennent un caractère de gravité et de persistance. Si anormal qu’il paraisse, nous le trouvons cependant inscrit dans la législation métropolitaine[2]. En Algérie, la responsabilité collective, qui s’appliquait couramment autrefois, subsiste encore en matière d’incendie de forêts, mais elle est tombée en désuétude pour d’autres délits. Sans la rétablir d’une manière obligatoire et permanente, et, sauf la faculté pour les indigènes de s’en exempter individuellement en prouvant qu’ils n’ont pu participer aux faits délictueux, il y aurait lieu de la réglementer et de décider qu’elle peut être rétablie par arrêté du gouverneur général et appliquée temporairement dans telle partie du territoire où les circonstances l’exigeraient. Mais il serait indispensable de (définir avec soin la procédure, pour laisser le moins possible de place à l’arbitraire, car, en ces matières, la jurisprudence du Conseil de gouvernement a souvent varié[3].

  1. Il ne paraît pas inutile de rappeler que le séquestre, la confiscation et la responsabilité collective se retrouvent sous d’autres formes dans les coutumes indigènes de la Kabylie.
  2. Loi du 10 vendémiaire an IV. Responsabilité des communes en cas de troubles.
  3. À côté du besoin de sécurité, la colonisation doit être assurée de rencontrer les moyens de pourvoir à certaines nécessités physiques et morales. Sous ce rapport, il reste encore beaucoup à faire ; l’assistance publique et le service des médecins de colonisation sont très insuffisamment dotés ; les secours médicaux sont souvent nuls ou hors de portée. L’attention des pouvoirs publics a été appelée sans succès à diverses reprises par des pétitions des colons sur l’insuffisance du nombre des prêtres desservans. (Pétition des habitans de Charrière, Franchetti, etc., 1892.) La constitution de centres de colonisation suppose en principe que tout sera fait pour y attirer des immigrans ; or, bon nombre d’Espagnols et d’habitans du Sud de la France aiment mieux émigrer dans l’Amérique du Sud que de venir en Algérie, où ils ne rencontrent aucun ministre de leur culte. C’est là une des consé-