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Renau, alors détaché au service d’Espagne. Tous deux venaient conférer avec l’amiral sur les mesures à prendre pour assurer la sécurité des galions fort compromise dans la rivière de Vigo, où les assertions, malheureusement inexactes, des marins espagnols l’avaient fait conduire. Si les ouvrages de défense restaient debout, leur état de délabrement en rendait impraticable le prompt relèvement et, vu l’impossibilité de s’y fortifier sérieusement, Renau conseillait de quitter immédiatement cet insuffisant refuge[1]. Mais où pouvait-on donc aller ? Dans tous les ports d’Espagne, sauf à Cadix dont les Anglais interceptaient l’accès, la flotte se fût trouvée pareillement à la merci de l’ennemi[2].

Château-Renault préféra donc rester à ce mouillage, non toutefois sans se mettre en mesure de résister à une attaque. Tandis que Renau procédait à la restauration sommaire des anciens ouvrages, l’amiral faisait barrer au moyen d’une estacade l’entrée de l’étroit passage, qui sépare la baie en deux rades successives. Les extrémités de cette estacade venaient s’appuyer à chaque rive, où des batteries, de leurs feux croisés, en protégeaient les abords.

Pendant que s’exécutaient ces travaux, le prince de Barbançon s’efforçait de rassembler les milices du voisinage, seul secours sur lequel on dût compter, car les régimens de l’armée régulière, qui n’avaient pas suivi le roi d’Espagne en Italie, étaient alors employés pour la plupart à la protection de Cadix. Il devint fort difficile d’entretenir à la fois tout ce monde. Milices et équipages se virent promptement réduits à vivre au jour la journée. Pour leur procurer des subsistances, il fallut envoyer plusieurs vaisseaux en chercher à la Corogne et même à Lisbonne.

Cependant, de Madrid arrivait l’ordre de procéder au déchargement des galions et, pour mettre leur cargaison en lieu sûr, de la transporter toute entière à Lugo, petite ville du royaume de Galices située à une quinzaine de lieues dans les terres. Cette opération commença par le débarquement de l’or et de l’argent que, en moins d’une semaine, cinq cents chariots conduisirent à destination. Mais le transport des marchandises ne put s’effectuer avec la même facilité. Les pluies d’automne, détrempant les chemins, ralentirent bientôt les charrois ; puis les marchands se refusèrent à laisser véhiculer leur cochenille, sujette à être

  1. Renau à Blécourt, 3 novembre 1702. — Archives des Affaires Étrangères.
  2. Orry à Torcy, 18 septembre 1702. — Archives des Affaires Étrangères.