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Tortugas, prescrivit de faire constamment visiter ces parages et de rechercher tous les points où l’on y pouvait mouiller.

Par surcroît de précaution, comme il était à croire qu’en se portant de la Jamaïque sur l’île de Tortugas, Bembow reconnaîtrait le cap Corrientes et le cap Saint-Antoine, des hommes rompus au métier devaient y être établis en permanence pour interroger la mer et dénombrer, le cas échéant, la flotte ennemie.

Au cas où la présence d’une armée navale anglaise serait signalée à Nesmond, avant qu’il ne jugeât son chef déjà parti du Mexique pour revenir à la Havane, il avait à l’en informer aussitôt et à lui faire connaître, avec la composition de cette armée, le jour de son arrivée sur Tortugas. Château-Renault pourrait ainsi en déduire, par la supputation des subsistances de l’adversaire, le temps probable qu’il y demeurerait et ajourner d’autant sa sortie de la Vera-Cruz.

Mais si pareil événement ne se produisait qu’à une date assez éloignée pour permettre de supposer l’amiral déjà sur le chemin du retour, Nesmond, tout en l’avisant, appareillerait lui-même sur l’heure et irait observer l’ennemi, tant que ce dernier ne débouquerait pas hors du golfe du Mexique par le canal de Bahama.

Si cependant l’escadre de Bembow se trouvait tellement supérieure aux forces dont disposait Nesmond, que cet officier général ne pût agir de la sorte sans courir à une perte certaine, il demeurait alors maître de rester à la Havane et libre d’apprécier s’il était permis de tenter autre chose pour le salut des galions[1].

Ainsi Château-Renault n’hésitait pas à se sacrifier avec la flotte du Mexique à la conservation des vaisseaux du roi.

Après avoir arboré son pavillon sur le Bourbon, bâtiment plus léger encore que le Fort et ne tirant que 18 pieds d’eau, il mit à la voile le 25 avril. Son escadrille se composait seulement de cinq vaisseaux de guerre, d’une frégate et d’un brûlot. Redevenu ainsi simple capitaine, comme il se plaisait à le dire, l’amiral partait pleinement rassuré à la pensée de se sentir remplacé par un marin tel que Nesmond. Château-Renault ne devait pas trouver au retour ce fidèle ami.

  1. Instruction pour Nesmond, 24 avril 1702. — Archives de la Marine.