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des poursuites judiciaires. Tait, à la Chambre haute de la Convocation, Stanley, à la Chambre basse, combattirent énergiquement cette proposition. Mais les évêques, malgré leur habituelle difficulté à aboutir, n’osèrent résister à la poussée de l’opinion cléricale, et, en juin 1864, par 8 voix contre 2, dans la Chambre haute, et par 39 contre 19, dans la Chambre basse, la Convocation prononça une condamnation synodale contre le livre qu’elle déclarait « contenir un enseignement contraire à la doctrine reçue par l’Eglise d’Angleterre en commun avec l’Eglise catholique tout entière. »

Bien que sans efficacité pratique, cette décision n’en marquait pas moins le terrain conquis par la Convocation, depuis que, douze ans auparavant, Wilberforce avait entrepris de la faire revivre. Aussi en fut-on effarouché dans le monde politique. A la Chambre des lords, lord Houghton demanda au lord chancelier si la Convocation n’avait pas excédé ses pouvoirs, et il prit même le soin d’indiquer que les évêques avaient ainsi encouru les pénalités du Præmunire, ce qui impliquait, par exemple, pour le primat, le paiement d’une somme de trente mille livres. Le chancelier répondit, sur un ton fort dédaigneux pour les évêques, que la condamnation synodale était en effet illégale, mais sans importance ; il en comparait le texte à une anguille qui glisse dans les doigts et que l’on ne peut saisir. « A vrai dire, concluait-il, ce n’est rien. » Impertinence que releva avec force Wilberforce, appuyé par l’archevêque de Canterbury et même par Tait.

Après avoir donné raison aux auteurs des Essays contre leurs censeurs ecclésiastiques, il ne restait plus au Conseil privé qu’à donner raison à Colenso contre son métropolitain. Une décision du 20 mars 1865 annula, pour excès de pouvoir, la déposition prononcée contre l’évêque du Natal. Colenso, triomphant, rentra aussitôt dans son diocèse. Mais l’archevêque Gray, toujours indomptable, refusa de reconnaître le jugement du Conseil privé, prononça l’excommunication majeure contre son suffragant révolté et adjura les évêques d’Angleterre de le soutenir. Ceux-ci étaient plus embarrassés que jamais. Wilberforce lui-même trouvait que Gray devenait compromettant. Les débats engagés à ce sujet, dans la Convocation, furent sans résultat : les évêques donnèrent à leur collègue du Cap des témoignages de sympathie platonique, sans prendre aucune des mesures effectives qu’il réclamait. Cette crise devait se prolonger pendant plusieurs