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Stanley avait refusé sa collaboration. Sauf le lien assez lâche de communes tendances Broad church, ces personnages étaient de physionomies et de vues assez diverses : l’un d’eux, Temple, mort récemment primat de Canterbury, s’est montré un évêque capable, correct, et a mérité les éloges reconnaissans des high churchmen ; un autre, Pattison, était déjà sur la voie qui devait le conduire à un absolu scepticisme religieux.

Le premier Essai, par Temple, le moins offensif de tous, traitait de l’Éducation de l’Humanité. Pattison, dans un exposé de la théologie anglicane au XVIIIe siècle, insistait sur la faiblesse de son apologétique, et avait l’air de douter qu’on pût en imaginer une autre plus solide. Baden-Powell, à propos des Preuves du Christianisme, niait la réalité, la possibilité et la force probante des miracles. Rowland Williams, analysant les Recherches bibliques de Bunsen, en prenait occasion pour exposer les découvertes de la critique allemande. Jowett traitait un sujet analogue, dans une étude sur l’Interprétation de l’Écriture, où il mettait en lumière les contresens de l’exégèse traditionnelle et contestait les idées courantes sur l’inspiration. Goodwin opposait les découvertes de la science à ce qu’il disait être la cosmogonie de la Bible. Enfin, Wilson esquissait un idéal d’Église nationale, sans Credo, sans dogme, à peu près sans sacerdoce, où les opinions les plus libres et les plus discordantes se trouveraient à l’aise. Ces divers Essays étaient de valeur très inégale. On ne peut nier, sans doute, qu’ils ne continssent quelques idées justes, qu’ils n’eussent raison, par exemple, de presser la vieille apologétique de se transformer et de s’élargir, que certaines des découvertes, alors si effarouchantes, de la critique biblique ne dussent, au bout de quelque temps, s’imposer à tous ; mais, à ces fragmens de vérité, étaient mêlées beaucoup de témérités justement suspectes, de négations incompatibles avec toute religion surnaturelle et révélée. Et surtout le ton dominant du livre était âpre, agressif, dédaigneux, irritant, et trahissait comme une volonté de ruiner tous les fondemens théologiques ou scripturaires du christianisme.

Pendant sept à huit mois, les Essays and Reviews passèrent à peu près inaperçus[1]. Ce fut la Revue de Westminster,

  1. Sur les événemens qui vont suivre, cf. Life of Tait, t. I, ch. XII ; Life of Wilberforce, t. III, ch. I ; Life of Stanley, t. II, ch. XVI ; Life of Pusey, t. IV, ch. II et III.