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evangelical zélé, passionné, et se donna pour mission de combattre le High churchism qu’il déclarait « haïr. » En 1846, par l’effet d’une crise intérieure qui le laissa un moment tout abattu, son evangelicalism s’écroula, et il se trouva un homme nouveau, façon de broad churchman, toujours aussi combatif, seulement dirigeant ses coups contre les evangelicals. Devenu, à cette époque, titulaire de la cure de Trinity chapel à Brighton, il y remua beaucoup les âmes par son ardente prédication, d’autant qu’aux questions théologiques il mêla bientôt les questions politiques et sociales. Au bruit des secousses de 1848, il crut entendre « les roues du chariot du Fils de l’homme qui s’approchait de plus en plus pour revendiquer le droit des pauvres. » Il se donna, avec sa chaleur habituelle, à la cause des ouvriers et travailla à résoudre les problèmes qui les intéressaient. Est-ce pour cela qu’on le considéra alors comme un disciple de Maurice ? Il s’en défendait. « Je sympathise profondément avec M. Maurice, écrivait-il ; mais je ne m’accorde pas entièrement avec lui, soit théologiquement, soit économiquement. »

Ses idées religieuses, qu’il développait du reste avec plus d’entraînement oratoire que de précision doctrinale, tenaient, par plus d’un côté, du Broad church. Il avait mordu à la critique allemande et contestait les idées reçues sur l’inspiration des Livres saints. Il s’élevait volontiers contre l’infaillibilité de la Bible, contre les prétentions sacerdotales, contre le droit que s’attribuaient les orthodoxes de déclarer fausse telle doctrine et de réprimer les erreurs religieuses. Toute formule dogmatique le mettait en méfiance, comme rétrécissant et faussant la vérité vivante qu’elle prétendait exprimer. Cette vérité lui paraissait avoir besoin moins d’être définie et prouvée que d’être sentie ; elle trouvait son fondement non dans l’autorité de la Bible ou de l’Eglise, mais dans le témoignage de l’esprit de Dieu au cœur de chaque homme. Le christianisme n’était pas un système ; c’était une vie, la vie du Christ ; le système pouvait changer suivant les temps et les pays.

Cet apostolat, mené avec une ardeur passionnée, valut à Robertson, avec de chauds partisans, beaucoup d’adversaires. Les evangelicals surtout détestaient en lui un transfuge. Les high churchmen avaient beau jeu à montrer l’imprécision de sa théologie. Les libéraux avancés eux-mêmes lui reprochaient d’être, sur plus d’un point, un peu arriéré et de donner trop au