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de ses perplexités consciencieuses. Ce n’était plus la désunion qui les paralysait. L’accord semblait au contraire rétabli entre eux, et le Duc de Bourgogne pouvait écrire au Roi : « Il me paraît que M. De Vendôme et moi agissons de plus en plus de concert en toutes choses, et j’espère que cela ira toujours également[1]. » Mais ce concert aboutissait à ne rien entreprendre, ou bien à combiner des plans auxquels il fallait ensuite renoncer. C’est ainsi que Saint-Hilaire recevait l’ordre de rassembler des pièces de grosse artillerie et de préparer le siège d’Ostende. Il commençait par présenter quelques objections, puis, en bon serviteur, il finissait par obéir, mais il ne pouvait se défendre d’écrire à Chamillart. « Pauvre petit subalterne que je suis, je n’ay pu insister davantage. Mais, Monseigneur, dans la conjoncture présente dont je ne doute cependant pas que vous soyez informé, je crois que vous ne désapprouverez pas mon petit raisonnement. » Et après avoir démontré la probabilité de siège par les ennemis de Lille ou de Tournay : « Je doubte fort que l’on préfère le siège d’Ostende et même la conservation de Gand et de Bruges à la conservation des frontières du royaume[2]. »

Pendant toute cette période, les dépêches de Vendôme, rares et courtes du reste, sont presque fanfaronnes. « J’espère, écrivait-il en réponse aux avertissemens du Roi, que nous ramasserons un corps assez formidable pour faire repentir les ennemis, en cas qu’ils soient assez hardys pour attaquer Lille ou Tournay, ce que j’ai toujours bien de la peine à croire. Je suppose avec vraisemblance qu’ils s’enfermeront dans des lignes[3]. » Rendant compte, quelques jours après, des ordres qu’il avait donnés pour faire rompre les digues de la Basse-Deule, petite rivière qui coule aux environs de Lille, il ajoutait : « Ainsi voilà Lille à couvert, de sorte qu’il faut qu’ils fassent de nécessité le siège de Mons, et je suis sûr qu’ils s’en repentiront, et que Mgr le Duc de Bourgogne s’y acquièrera beaucoup de gloire, car je ne doubte pas que Votre Majesté ne nous ordonne de la secourir[4]. »

Les dispositions du Duc de Bourgogne sont un peu différentes. Manifestement il ne partage point la confiance de Vendôme. Il se rend mieux que lui compte du danger, mais il lui paraît

  1. Dépôt de la Guerre, 2 082. Le Duc de Bourgogne au Roi, août 1708.
  2. Ibid., 2081. Saint-Hilaire à Chamillart, 26 juillet 1708.
  3. Ibid., 2 082. Vendôme au Roi, 1er août 1708.
  4. Ibid., 2 082. Vendôme au Roi, 7 août 1708.