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franco-anglaise du 21 mars 1899 détermine les limites de « l’hinterland » tripolitain et du Soudan français.

Mourzouk, Rhadamès, Rhât, sont célèbres dans l’histoire des explorations africaines ; leurs noms sont familiers à nos oreilles ; ce ne sont cependant ni de grandes villes, ni des centres de production et de culture, mais tout simplement des oasis où les caravanes font séjour et où se croisent les pistes du désert ; la circulation transsaharienne est leur seule raison d’exister. Les hommes qui les habitent vivent tous du passage des caravanes, soit qu’ils les conduisent, soit qu’ils en exigent un tribut, soit qu’ils les pillent ; chameliers et coupeurs de routes, avec quelques noirs qui cultivent les jardins et veillent aux irrigations, voilà toute la population de ces « métropoles du désert. »

Dès que l’on sort de Tripoli, avant d’avoir perdu de vue la mer, on est dans le Sahara, et, si l’on se dirige vers le Ouadaï ou le Bornou, l’on ne cesse d’y rester pendant au moins 2 300 kilomètres[1] ; si c’est vers Tombouctou et le Niger, la distance est encore plus longue. Et cependant, c’est entre Tripoli et le Tchad que le Sahara offre la moindre largeur : l’échancrure des Syrtes mord sur le désert, et la courbe parallèle, que dessine la bordure montagneuse des plateaux sahariens, recule la limite de l’absolue stérilité ; un chapelet d’oasis et de points d’eau facilite, dans une certaine mesure, la redoutable traversée. C’est pourquoi, de toute antiquité, des caravanes sont venues du Soudan à Tripoli, apportant jusqu’à la Méditerranée les produits de l’Afrique centrale. Les Romains ont connu cette route, et probablement les Phéniciens avant eux ; ils ont exploré et occupé le pays des Garamantes ; l’on retrouve, au Fezzan, la trace de leurs travaux autour des sources et des puits ; à Rhadamès, tenait garnison un détachement de la légion IIIe Augusta, qui resta chargée de la défense de l’Afrique pendant presque toute la durée de l’Empire ; une inscription a perpétué jusqu’à nous le souvenir de son séjour.

Depuis l’antiquité, les routes du désert sont restées les mêmes : de Tripoli, deux pistes se dirigent l’une, au Sud, vers le Fezzan, l’autre, oblique, au Sud-Ouest, vers Rhadamès.

  1. C’est la distance de Tripoli à Barroua, sur le Tchad.