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Quelques plaines d’alfa, comparables à celles de l’Oranie, couvrent les premières terrasses des plateaux ; de belles oasis, les unes au bord de la mer, les autres perdues dans l’intérieur des terres, comme celles du Fezzan, de Rhadamès, de Rhât, jalonnent les pistes du désert Libyque. La Cyrénaïque, avec ses sources et ses cultures verdoyantes, se rapproche davantage des pays méditerranéens, de la Sicile et de la Grèce, par qui jadis elle fut colonisée ; elle mérite d’être décrite à part.

Dans l’Afrique massive, ce double golfe des Syrtes, si peu accentué soit-il, était un point d’où l’on pouvait tenter de pénétrer l’énorme continent ; il était comme une fenêtre ouverte sur le monde saharien et même, au-delà, jusque sur le Soudan et le centre mystérieux de la grande terre inconnue. C’est pourquoi ses côtes inhospitalières ont toujours vu s’élever quelque ville relativement importante et pourquoi elles ont attiré l’attention des peuples méditerranéens. Ainsi, la Tripolitaine a une valeur intrinsèque et une valeur de relation ; nous l’étudierons successivement à ce double point de vue.

Un port levantin dans une oasis saharienne, telle est Tripoli. L’antique Tarabolos-el-Rharb, Tripoli de l’Occident, s’est élevée là parce qu’elle y trouvait les belles eaux des puits de Méchya, et elle a prospéré parce qu’elle est devenue à la fois un port de mer, en rapport avec le monde méditerranéen, et un port du désert, en relations par caravanes avec les lointains royaumes du Soudan. Toute la Tripolitaine se résume, pour qui arrive d’Europe, dans la seule ville de Tripoli.

Se détachant, toute blanche, sur le fond vert sombre des palmeraies, ceinturée d’ocre par ses vieux remparts, Tripoli, avec ses sept minarets, sveltes et minces comme des aiguilles, et les mâts de pavillon des consulats dominant l’entassement des toits plats et des terrasses, a la physionomie générale de toutes les villes de l’Orient musulman et du Maghreb. La baie, assez profonde, mais peu sûre, n’a été améliorée par aucun travail d’art ; une langue de terre, qui s’avance à l’Ouest, forme une jetée naturelle et protège une rade en forme de croissant ; elle porte des fortifications anciennes et se termine par un fort moderne. L’énorme château des anciens pachas Karamanlis fait face à cette digue et ferme la rade vers l’Est. La ville, — avec ses souks si animés, avec son arc de triomphe romain dédié à Marc-Aurèle et à Lucius Verus, étrange souvenir classique, à moitié enfoui