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REVUE DRAMATIQUE


Comédie-Française : L’Autre danger, comédie en quatre actes de M. Maurice Donnay. — Théâtre Sarah-Bernhardt : Théroigne de Méricourt, pièce en six actes de M. Paul Hervieu.


La nouvelle pièce de M. Maurice Donnay, l’Autre danger, est-elle une pièce excellente ? Elle contient du moins une excellente leçon d’art dramatique qui, si elle ne profite pas à l’auteur lui-même, ne sera pas perdue pour quelques-uns de ses confrères. Elle leur montrera, avec une clarté aveuglante, les inconvéniens d’une formule qui a été très à la mode sur nos scènes de genre et s’y est longtemps maintenue par la force même et la vertu souveraine du paradoxe.

Elle consiste à supprimer du théâtre tout ce qui lui est essentiel. Ni sujet, ni situation, ni mouvement, ni progrès. Cela ne commence ni ne finit, mais dure le temps qu’il plaît à l’auteur et jusqu’à ce que cet exercice ait cessé de l’amuser. Des scènes se succèdent sans lien, et dont chacune se suffit à elle-même. Des personnages défilent qui n’ont ici rien à faire, mais dont il a paru divertissant de dessiner la silhouette. Des croquis de mœurs sont jetés ça et là et juxtaposés au petit bonheur. Des propos s’échangent qui sont dépourvus de suite. A quoi bon se mettre en peine d’inventer quelque intrigue qui ne peut manquer d’être factice ? Ne sait-on pas que s’il y a un art spécial du théâtre, c’est un art inférieur ? L’observation, la fantaisie, l’ironie, l’émotion, la satire ne valent-elles pas par des mérites qui leur sont propres ? Ce qu’on y ajoute ne peut que les gâter. Le vrai plaisir, n’est-ce pas d’entendre dialoguer des personnages qui ont beaucoup d’esprit, ayant tout l’esprit de l’auteur ? Cette théorie est celle d’un théâtre qu’on pourrait, sans aucune arrière-pensée de malveillance et seulement pour le définir, appeler le théâtre de bavardage.

Ce théâtre a son charme fait de nonchalance, de décousu et de