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de mares allongées, d’une profondeur insignifiante, d’une longueur totale de près de 2 kilomètres, d’une largeur très variable, ne dépassant jamais 200 mètres et se réduisant quelquefois aux dimensions d’un simple fossé, — véritable type de la lagune morte dont le grau de communication avec la mer, définitivement fermé en 1850, a été depuis transformé en polder d’un rendement agricole très productif.

Ce hable d’Ault, aujourd’hui tout à fait atterri, était même, à l’origine de notre période historique, l’estuaire principal de la Somme. Mais, à mesure que s’avançait et se renforçait l’épi de galets enraciné à la falaise d’Ault, l’embouchure de la Somme s’est déplacée, comme nous l’avons dit, vers le Nord. L’estuaire s’est un peu rétréci. Le fond de la baie s’est exhaussé. Des îlots ont émergé dans la rade transformée en lagune. Ces îlots se sont peu à peu agrandis par les apports continuels des alluvions fluviales et maritimes ; ils ont fini par se souder entre eux et se rattacher à la terre ferme. Les bas-fonds jadis noyés sont devenus des « mollières ; » et c’est ainsi que s’est formée lentement cette vaste plaine de plus de 3 000 hectares si bien appelée « les Bas-Champs, » et qui occupe la place même où, pendant de longs siècles, ont pu relâcher tour à tour les galères romaines et toutes les flottes des hommes du Nord.


II

Sur la rive droite de la Somme et jusqu’aux approches des collines du Boulonnais, toute la zone littorale est aussi de formation assez récente. Il est difficile, comme pour la rive droite, de l’expliquer par l’accumulation seule des matières terreuses apportées par le flot. Sans doute chaque marée, chaque vague même, si on veut, a déposé quelques molécules de sable ou de vase que le vent a fait cheminer sur ta côte, qui ont fini par former des dunes mobiles et constituer un appareil littoral encore assez instable ; mais il est très probable que cette côte s’est aussi lentement soulevée, et il suffit de jeter les yeux sur une carte géographique pour rétablir avec précision l’ancienne limite de la terre et de la mer.

Sur les 60 kilomètres de côtes basses, plates et sablonneuses qui s’étendent entre l’extrémité des falaises normandes et les