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LES ORIGINES DE L’ODYSSÉE.

ingénieurs et chargée de macadam. Mais elle se double encore d’une vieille piste encaissée de baies, taillée dans la terre noire. De tout temps, les chars indigènes ont pu rouler au bord de cette plaine, et de tout temps ils allaient au fleuve porter le grain et chercher la farine comme au siècle dernier, ou porter le linge sale et ramener le linge blanc comme au temps de Nausikaa. Sous les dernières ramures des olivettes, tout au bord de la plaine, Nausikaa et ses femmes ont pris cette piste. Les mules galopaient sur ce terrain durci et plat.


IV

Reprenez tous les mots du texte odysséen et voyez si les moindres épithètes ne trouvent pas leur application. Faites d’autre part le calcul des distances et des heures, et voyez si la journée de Nausikaa n’est pas bien remplie par ce voyage. Nausikaa se réveille à l’aube. On attelle le char. Elle part dès l’aurore. Elle met deux heures pour arriver au fleuve. On lave toute la matinée. On déjeune et l’on joue à la balle pendant que le linge sèche. On va repartir, quand Ulysse apparaît. On retarde le départ pour que le héros puisse se laver et s’habiller. Puis on charge le char et l’on s’en retourne un peu moins vite que l’on n’était venu : les femmes et Ulysse reviennent à pied. On n’arrive en Phéacie qu’au coucher du soleil. Ulysse s’arrête encore dans le bois sacré d’Athèna ; aussi, quand il arrive au palais d’Alkinoos, les torches sont déjà allumées. Falaises accores et roches aiguës, plage de sable et fleuve au beau courant, source jaillissante et bois sacré d’Athèna, fontaine toute proche de l’agora et du beau Poseidion, haute ville et beaux ports : nous avons maintenant toutes les étapes de la route odysséenne. La méthode des Plus Homériques, l’explication minutieuse du texte, nous a fait retrouver sur cette côte de la Mer Sauvage tous les sites de notre Phéacie. Tous les épisodes de l’Odyssée nous forceront à la même conclusion : la géographie homérique n’est pas imaginaire ; toutes les descriptions du poète sont au contraire d’une précise, minutieuse et complète exactitude.

L’étude de Kalypso nous avait déjà conduits à cette demande : comment le poète a-t-il pu décrire si exactement, si minutieusement, les sites, routes et mouillages du détroit ? Et nous n’avions trouvé qu’une réponse : il avait sous les yeux un périple. L’étude de la Phéacie conduit à une pareille demande : comment le poète a-t-il possédé une connaissance si précise du pays