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peuplent l’espace. Après avoir été la cause de la vie dans les corps quelles animaient, elles réagissent du dehors sur les autres êtres et sont la cause de toutes sortes d’événemens inattendus. Ce sont des esprits bien faisans ou malfaisans.

L’analogie conduit inévitablement les esprits simples à étendre les mêmes idées aux animaux et aux plantes ; en un mot, à accorder des âmes à tout ce qui vit, âmes plus ou moins nomades, vagabondes ou interchangeables, selon la doctrine de la métempsycose. M. L. Errera, que nous suivons ici, fait observer que cette doctrine primitive, coordonnée, hiérarchisée et poétisée, est à la base de toutes les mythologies antiques.


L’animisme moderne fut quelque chose de beaucoup plus étroit. C’était une doctrine médicale, c’est-à-dire à peu près exclusive à l’homme. Stahl l’avait adoptée par une sorte de réaction contre les exagérations de l’École mécaniciste de son temps. C’est l’âme intelligente, raisonnable qui, selon lui, fait vivre le corps. Elle gouverne la substance corporelle, et la dirige vers un but assigné. Les organes sont ses instrumens. Elle agit sur eux directement, sans intermédiaires. Elle fait battre le cœur, contracter les muscles, sécréter les glandes, fonctionner tous les appareils. Il y a plus : c’est elle-même — âme architectonique — qui a construit et entretient ce corps qu’elle régit.

C’est le mens agitat molem de Virgile, que La Fontaine a traduit :


Un esprit vit en nous et meut tous nos ressorts.


Il est remarquable que ces idées, d’un spiritualisme excessif et outré, aient été mises en avant précisément par un chimiste et un médecin, tandis que des idées toutes contraires étaient admises par des philosophes partisans décidés de la spiritualité de l’âme, comme Descartes et Leibniz. Stahl avait été professeur de médecine à l’université de Halle, médecin du duc de Saxe-Weimar, et, plus tard du roi de Prusse ; il mourut à Berlin en 1734. Il a laissé une œuvre médicale et chimique importante, d’un caractère à la fois théorique et expérimental. Il est le créateur de la célèbre théorie du phlogistique qui subsista, en chimie, jusqu’à Lavoisier.

L’animisme a subsisté plus longtemps, entretenu par le zèle de quelques rares fidèles. Mais après les spirituelles moqueries