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d’ailleurs comme indispensable ? Ils répètent tous la même chose, à savoir que la constitution actuelle n’est pas aussi défectueuse qu’on le prétend, qu’elle n’exclut pas un gouvernement plus énergique, et qu’avant d’augmenter les pouvoirs du Président de la République, il serait bon qu’il usât de ceux qu’elle lui a expressément donnés. C’est ce que nous avons lu avec satisfaction dans le remarquable discours que M. Paul Deschanel a adressé à ses électeurs de Nogent-le-Rotrou. Des fautes énormes ont été commises depuis une vingtaine d’années dans notre politique extérieure aussi bien que dans notre politique intérieure : n’auraient-elles pas pu être évitées ? M. Deschanel croit qu’elles auraient pu l’être, par l’intervention personnelle, mais parfaitement constitutionnelle, du Président de la République. Le caractère des hommes qui se sont succédé à l’Elysée depuis près de vingt-cinq ans a été pour beaucoup dans l’effacement auquel ils se sont condamnés : mais il faut bien dire que le choix qui en a été fait a été le plus souvent déterminé par le désir, conscient ou inconscient, de ne pas avoir affaire à un Président qui aurait déjà donné une trop haute idée de sa capacité, et surtout de sa volonté. Au moment où Gambetta est mort, il n’aurait certainement pas été élu Président de la République ; Jules Ferry n’a pas pu l’être ; MM. de Freycinet, Waldeck-Rousseau et Méline, pas davantage. Il y a une exception, celle de M. Casimir-Perier ; mais il a donné sa démission au bout de six mois, un peu trop découragé d’avance par l’insuffisance des pouvoirs qu’il n’avait pas exercés. Même dans cette circonstance, la nécessité d’un gouvernement remplissant tout son objet, et l’impossibilité présumée d’en trouver les élémens dans la constitution actuelle se sont manifestées avec force. Nous croyons, comme M. Deschanel, et nous l’avons dit bien souvent, qu’il y a dans le texte de cette constitution beaucoup plus de ressources qu’on n’en a jusqu’à ce jour mis en œuvre ; mais son discours est une preuve de plus de ce besoin qu’éprouve le pays d’un gouvernement effectif et réel, besoin également ressenti par ceux qui attaquent ou qui critiquent la constitution de 1875, et par ceux qui la défendent. Qu’il y ait là un sentiment général, ou du moins très répandu en France, on ne peut en douter : et que nous propose-t-on pour y satisfaire ? La concentration républicaine ! C’est là une conception de politiciens aux abois, incapables de rien inventer et qui ne savent que revenir aux formes du passé, même aux plus usées et les plus discréditées de toutes. On nous persuadera difficilement que le pays soit orienté de ce côté. Il veut vraiment du nouveau, et tant pis pour ceux qui ne sauront pas lui en