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Une expérience plus récente encore est celle du canal de Dortmund à l’Ems, qui n’a guère été fréquenté jusqu’ici que par des importations ; celles du grain, en particulier, limitées à 1 300 tonnes la première année, se sont élevées ensuite à 43 000 tonnes, en 1899, et à 25 000, dans les neuf premiers mois de 1900. Cette situation ne ferait que s’aggraver, si le canal du Centre était construit. Les grains importés gagneraient les régions situées entre la Weser et l’Elbe, qui, jusqu’ici, n’ont pas eu trop à souffrir de la concurrence étrangère, et viendraient faire un tort considérable aux agriculteurs de cette région.

Quant aux ports allemands, loin de les favoriser, comme on l’a prétendu, le Canal central et le canal de Dortmund au Rhin leur seront très nuisibles, sauf en ce qui concerne Brême, qui bénéficiera du raccordement de son fleuve avec le réseau des nouveaux canaux. Les autres doivent s’attendre à une diminution sensible de leur trafic au profit des ports belges et hollandais. C’est ce qu’ont mis en évidence les rapports des Chambres de commerce de Hambourg, d’Altona, de Harbourg et d’Emden, et ce qu’on conçoit aisément. Les ports d’Anvers, d’Amsterdam et de Rotterdam doivent une grande partie de leur prospérité à l’Allemagne, dont ils sont actuellement le débouché. Cette situation leur a permis de développer leur trafic dans une proportion supérieure à celle des ports allemands eux-mêmes. Dans le dernier quart de siècle, tandis que le trafic des quatre ports réunis d’Altona, Hambourg, Harbourg et Brême augmentait de 3 à 9,4 millions de tonnes, soit de 305 pour 100, celui d’Anvers et de Rotterdam réunis croissait de 3,8 à 12,8 millions de tonnes, soit de 342 pour 100. Rotterdam a dépassé Anvers dans ces dernières années et est devenu le grand marché des métaux, du café, du tabac, de la laine, etc. Les navires anglais, allemands, Scandinaves y viennent en concurrence avec les navires hollandais et contribuent ainsi à l’abaissement des frets. Déjà, pour les grains et la farine, les frets sont plus bas vers les ports néerlandais que vers Hambourg et Brême, et, pour l’Amérique, la différence est de 2 fr. 50 par tonne ; déjà Rotterdam, qui a affranchi le trafic du Rhin de tout droit de port, alimente toute la région baignée par ce fleuve jusqu’à la frontière suisse. Si le Canal central lui ouvre de nouveaux débouchés vers Magdebourg et Berlin, ces villes seront desservies par Rotterdam à des prix plus réduits que par Hambourg et Brême.