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limité d’agir et de réglementer, lequel pouvoir, étant limité, ne doit s’exercer que sur certaines matières et sous certaines conditions. S’ils excèdent les limites de ce pouvoir délégué, s’ils agissent, réglementent, légifèrent sur d’autres matières et sous d’autres conditions, les lois qu’ils feront ne seront pas des lois ; elles seront nulles et inefficaces ; aucun citoyen ne leur devra ni obéissance, ni respect.

C’est ce qui se passe aux Etats-Unis. « Le pouvoir suprême, en fait de législation, est le peuple… Le peuple a, par sa suprême loi, la Constitution, donné au Congrès un pouvoir limité de légiférer. Toute loi votée en vertu de ce pouvoir et conformément à la Constitution a toute l’autorité de la Constitution qui est derrière elle. Toute loi votée en dehors de ce pouvoir est illégale et dépourvue de sanction[1]. »

Voilà qui est clair et catégorique. Mais qui déclarera que le Parlement a ou n’a pas excédé son pouvoir, et qui décidera en conséquence de la légalité ou de l’illégalité d’une loi ? Qui examinera, en rapprochant la loi de la Constitution, s’il existe entre elles une contradiction ; si l’objet de la loi en question est ou n’est pas un de ceux qui sont mentionnés ou impliqués dans la Constitution ; si quelque disposition de cette loi heurte ou néglige quelque clause de la Constitution ? Ce ne peut être le Congrès lui-même, puisque le Congrès y est partie intéressée, ayant fait la loi dont la constitutionnalité, et par suite la légalité, est en cause. Ce ne peut être le Président, puisqu’il se peut, ayant proposé ou ayant promulgué la loi, que lui aussi soit intéressé dans l’espèce. Mais, d’autre part, il est difficile que ce soit, par voie de referendum, le peuple, qui est censé avoir fait la Constitution, parce que, le plus souvent, un pareil examen « n’exige pas seulement la subtilité d’un avocat expert, mais aussi la connaissance des précédens qui ont éclairé le même point ou des points analogues[2]. » Ce seront donc les cours de justice, si c’est à elles qu’appartient l’interprétation des lois, « non seulement pour en assurer l’exécution vis-à-vis des citoyens, mais pour les ajuster aux faits, c’est-à-dire pour en déterminer la signification précise et pour en faire l’application aux circonstances d’un cas particulier ; » et s’il n’y a, d’ailleurs, « aucune autre autorité capable de prendre une décision à ce sujet. » Entre toutes les cours de

  1. Voyez James Bryce, ouvr. cité, t. I, p. 346-354.
  2. Id., Ibid., p. 353.