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séminaire ? En tout cas, la Pétition des évêques, si modérée dans la forme, et si claire, si ferme dans le fond, est venue lui démontrer l’inanité de ses espérances ; — et, de là, sa grande colère. Soixante-quatorze archevêques et évêques lui ont enlevé son principal argument : c’est celui dont on nous a rebattu depuis trois ans les oreilles, et qui consiste à dire qu’en expulsant les Congrégations, on ne « touche pas » à la religion catholique ; on n’en gêne pas « le libre exercice ; » on ne témoigne à son égard d’aucun esprit de haine ou d’hostilité. La Pétition de l’Épiscopat est venue démontrer publiquement le contraire. Sous des conditions à débattre entre le Saint-Siège et le gouvernement, et, par exemple, sous la loi d’un Concordat qu’il n’eût tenu qu’à notre gouvernement de négocier, — comme le fait l’Espagne en ce moment même, comme l’ont fait les États-Unis pour les Philippines, — les Congrégations sont essentielles à la vie du catholicisme et au « libre exercice » de la religion. On n’y saurait toucher sans toucher à la religion même. C’est ce que nous ont rappelé les évêques. Et M. le président du Conseil le sait bien ; et parce qu’il le sait bien, c’est pour cela qu’il a déféré la Pétition des évêques au Conseil d’État ; et parce que la Pétition dérangeait ses plans ou ses argumens, c’est encore pour cela qu’après avoir obtenu l’arrêt de son Conseil d’État, il a supprimé le traitement de l’archevêque de Besançon, de l’évêque d’Orléans, et de l’évêque de Séez.

Il y a tout juste dix ans que, dans cette même Revue[1], M. Georges Picot dénonçait et démontrait l’illégalité de ces « suppressions de traitement. » Rien ne les autorise que le droit du plus fort, odieux de soi, mais plus odieux encore quand, comme aujourd’hui, c’est un séminariste laïcisé qui l’applique. Les évêques ne sont pas des « fonctionnaires, » et leur traitement n’est pas un « traitement, » mais une « indemnité » ou une « compensation. » Pour s’en convaincre, on n’a qu’à se reporter aux articles 13 et 14 de la « Convention du 26 messidor an IX : » c’est le nom que les « décrets » du Conseil d’État donnent au « Concordat. » « Article 13. Sa Sainteté, pour le bien de la paix et l’heureux rétablissement de la religion catholique, déclare que ni Elle ni ses successeurs ne troubleront en aucune manière les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés, et qu’en conséquence la propriété de ces mêmes biens, les droits et revenus y attachés, demeureront incommutables entre leurs mains ou celles de leurs ayans cause. — Article 14. Le gouvernement assurera un traitement convenable aux

  1. Voyez la Revue du 1er juillet 1892.