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Et, sans doute, nulle âme délicate n’approuvera cette tentative cruelle sur une conscience trop timorée. Pourtant ici, comme en toute question morale, ne faut-il pas distinguer l’excès condamnable de l’action mesurée, et, par conséquent, utile ? car la solidarité catholique entre morts et vivans, dont nous avons parlé à plusieurs reprises, demeure une conception élevée et précieuse au point de vue social. Il est bon de dire que l’éducateur possède une responsabilité, et qu’on doit songer à ses morts dans les décisions de sa vie. Nous avons vu la vieille Stanzel « des pauvres âmes » redresser ainsi les torts, et guider les consciences terrestres par les avertissemens de l’au-delà. Et, certain jour, mettant en scène un homme injustement condamné pour le crime d’un autre, puis délivré par l’aveu qui échappe au vrai coupable sur son lit de mort, Rosegger semble avouer lui-même que la crainte du diable est bonne à quelque chose[1].

Après la prédication de l’enfer, il est un point de discipline ecclésiastique qui a le privilège de susciter réserves et objections de sa part : c’est le célibat des prêtres ; et nous ne connaissons pas cette fois d’excuses personnelles aux incartades que nous signalerons sous sa plume. Il a pourtant présenté sur le tard une tentative d’explication assez embarrassée : irrité par les attaques de la presse religieuse, et sans doute par quelque reproche de sensualité dans son œuvre, il prétendit rappeler à ses adversaires que la chair demeure vivante sous les vêtemens sacerdotaux, et qu’aucun homme n’a le droit de dire : Pour moi, la nature n’existe pas. « Nous avons tous sujet, ajoute-t-il, de nous montrer humbles sur ce point ; à qui voudrait faire l’outrecuidant, je pince volontiers l’oreille, en disant : Souviens-toi que tu es fils d’Adam. » Motif un peu mesquin peut-être, et insuffisant, en tous cas, pour l’enhardir à souligner les défaillances de vertus dont nul ne prétend qu’elles soient faciles et sans combat.

C’est vraisemblablement le côté littéraire assez séduisant de pareils drames passionnels qui les ramène sous la plume de nos contemporains[2] : mais ce sont des sujets scabreux en tous

  1. Hoch vom Dachstein, Matthias Scholler. — Une institution campagnarde qui semble réveiller souvent sa vieille rancune contre les prédicateurs de l’enfer, c’est celle des missions qui viennent évangéliser temporairement les paroisses rurales et y prêcher des retraites pieuses. Il les voit sous un jour assez défavorable. Der Waldschulmeister, Hoehenfeuer. « Je n’oublierai pas cette Pentecôte. » Buch der Novelten, II. La mission à Falkenbach. Das Ewige Licht, etc.
  2. Voir Ferdinand Fabre, Ma Vocation. — Pouvillor, le Vœu d’être chaste, etc.