Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/480

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

refuser, voilà toute la loi. Ordinairement, quand une loi est votée par la Chambre à qui on l’a présentée la première, on la porte devant la seconde ; mais quand la première ne l’a pas votée, comme on n’a rien à apporter devant l’autre, on en reste là. Cette fois, ô merveille ! c’est quand une Chambre a repoussé la loi qui propose de rejeter l’autorisation qu’il reste quelque chose à apporter à l’autre, à savoir la demande d’autorisation demeurée intacte ; et, au contraire, quand elle a voté la loi, c’est-à-dire quand elle a rejeté la demande de la congrégation, le projet est sauf, mais il est en quelque sorte vidé. Comme il faut le vote affirmatif des deux Chambres pour accorder une autorisation, le refus de l’une frappe d’avance de nullité l’adhésion possible de l’autre. Cependant, le projet ayant été voté, reste un papier : que doit-on en faire ?

Il y a certainement de quoi se prendre la tête à deux mains pour s’assurer qu’elle ne vous échappe pas. On a beau retourner l’affaire dans tous les sens, on n’aperçoit que des chinoiseries nouvelles. Ainsi, l’article 13 de la loi de 1901 dit qu’« aucune congrégation religieuse ne peut se former sans une autorisation donnée par une loi, » et l’article 16 que « toute congrégation formée sans autorisation sera déclarée illicite. » Il semble donc que toute congrégation qui n’aura pas obtenu une autorisation des deux Chambres doive être dissoute. Mais, d’autre part, l’article 18 dit : « Les congrégations existantes au moment de la promulgation de la présente loi, qui n’auraient pas été antérieurement autorisées ou reconnues, devront, dans le délai de trois mois, justifier qu’elles ont fait les diligences nécessaires pour se conformera ses prescriptions. À défaut de cette justification, elles seront réputées dissoutes de plein droit. » Soit ; mais si elles justifient qu’elles ont fait les diligences voulues ? Alors, elles ne seront pas dissoutes de plein droit, elles ne le seront qu’après avoir vu leur demande rejetée par le Parlement. Mais le Parlement se composant de deux Chambres, s’il faut leur concours pour accorder l’autorisation, il le faut aussi pour la refuser. Sans doute, la loi dit encore que « la dissolution de la congrégation ou la fermeture de tout établissement pourront être prononcées par décret rendu en conseil des ministres, » et par conséquent M. Combes reste maître de la situation : il peut dissoudre par un simple décret toutes les congrégations qu’il voudra. Mais encore est-il nécessaire qu’il prenne un décret, et le décret qu’il aura pris pourra être retiré un jour. S’il est retiré la congrégation se retrouvera placée ipso facto dans la situation où elle était auparavant. Le vote du Sénat conserve donc sa valeur,