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nouvelles idées. Tandis que la majorité de la Chambre des communes est composée de prélatistes modérés ou de presbytériens, les indépendans et les anabaptistes prévalent dans l’armée et des opinions extrêmes ne tardent pas à s’y faire jour. Les idées mûrissent si vite en révolution ! Le New model existe depuis un an à peine et déjà le socialisme le plus avancé y formule ses prétentions étayées de textes bibliques. Dès qu’on a cessé de se battre, on discute. D’abord, il s’agit, tout simplement, de réclamer un arriéré de solde. Les délégués des soldats confèrent avec les officiers. Ces délégués prennent un nom significatif : on les appelle des agitateurs et cette réunion qui a pour but de protester contre le Parlement devient, à son tour, une sorte de parlement. Cromwell qui sent, mieux que personne le besoin de la discipline, évince peu à peu les simples soldats de ce parlement militaire, qui n’est plus que le conseil des officiers. Les discussions continuent et elles sont intéressantes. Des fous viennent raconter leurs rêves de la nuit précédente : on les écoute respectueusement, puis on passe à l’ordre du jour. Comme tous les corps délibérans à leurs débuts, l’assemblée, en moins d’une heure, passe d’une question de détail aux principes fondamentaux sur lesquels repose la société. Rainborough demande le suffrage universel ; Ireton soutient la théorie censitaire qui proportionne la puissance politique aux intérêts matériels. « Si l’on prétend que tous les hommes ont un droit égal à opiner sur les affaires publiques, on pourrait soutenir, par les mêmes argumens, que tous les hommes ont un droit égal à la possession de la terre. — Pourquoi pas ? » Question terrible sur laquelle Cromwell se garde de donner son avis. Il se contente de prêcher la « concentration » puritaine. Mais dès que l’occasion s’en présentera, il écrasera sans pitié les « niveleurs » qui sont les enfans perdus, les bachi-bouzouks du Puritanisme.

Durant l’intervalle qui sépare la première et la deuxième guerre civile, c’est-à-dire pendant la seconde moitié de 1646, l’année 1647 et le commencement de 1648, l’armée est, en quelque sorte, en rébellion ouverte, permanente, contre l’autorité civile, sans qu’il soit possible de déterminer d’une façon précise si elle obéit à ses chefs ou si ses chefs lui obéissent. Qui a donné l’ordre secret d’après lequel le cornette Joyce enlève Charles Ier, à Holmby ? Lorsque les troupes envahissent Londres et réclament l’expulsion de onze membres du Parlement,