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d’une cellule préexistante de l’organisme maternel, l’œuf. L’échelle de leur filiation est infinie dans le passé. Mais, quand même le début de l’être vivant ne saurait être appelé un commencement véritable, il n’en est pas moins vrai qu’il suit, à partir de là, une évolution réglée, une marche continuelle dans une direction fixée. Et, celle-ci, avec son point de départ, ses degrés et son terme, est la répétition de la marche qu’ont déjà suivie les générations antérieures. Il y a là un trait caractéristique de la vitalité. L’on ne peut manquer d’être frappé de ce spectacle des êtres qui s’écoulent toujours de même, suivant une trajectoire idéale dont les étapes sont la jeunesse, l’âge adulte, la vieillesse, et dont le terme est la désorganisation et la mort.

On s’est demandé si cette évolution, si cette mobilité dirigée, est un trait de l’être vivant, réellement aussi exclusif qu’il le paraît, et si beaucoup de corps bruts ne présentent point quelque chose d’analogue. La réponse n’est pas douteuse.

Bichat s’est trompé en opposant, à cet égard, les corps bruts aux corps vivans. Les propriétés vitales, disait-il, sont temporaires ; il est de leur nature de s’épuiser ; le temps les use dans le même corps. Les propriétés physiques, au contraire, sont éternelles. Les corps bruts n’ont ni commencement, ni fin nécessaires, ni âge, ni évolution : ils restent immuables comme la mort dont ils sont l’image.

Cela n’est pas vrai, en premier lieu, des corps sidéraux. Les anciens croyaient le monde sidéral immuable et incorruptible. La doctrine de l’incorruptibilité des cieux a régné jusqu’au XVIIe siècle. Les observateurs qui, à cette époque, braquèrent sur le ciel la première lunette que Galilée venait d’inventer, furent frappés d’étonnement en voyant changer cette voûte céleste qu’ils croyaient incorruptible, et en apercevant une étoile nouvelle qui prenait rang dans la constellation du Serpentaire. Les changemens de ce genre ne nous surprennent plus. Le système cosmogonique de Laplace est devenu familier à tous les esprits cultivas et chacun est habitué à l’idée d’une mobilité et d’une évolution continuelle du monde céleste. « Les astres n’ont pas toujours existé, écrit M. Faye, ils ont eu une période de formation ; ils auront pareillement une période de déclin, suivie d’une extinction finale. »

Tous les corps de la nature inanimée ne sont donc point éternels et immuables ; les corps célestes sont éminemment évolutifs.