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le principe universel de l’activité des choses. C’était l’opinion d’Empédocle, dans l’antiquité ; elle a été celle de Diderot, de Cabanis, et, en général, de l’école matérialiste moderne, acharnée à trouver jusque dans les plus humbles représentans du monde inorganique les premières traces de la vitalité et du psychisme qui s’épanouissent au sommet du monde vivant.

Des idées analogues se retrouvent nettement au début de toutes les sciences de la nature. C’est ce même principe de l’appétition, ou de l’amour et de la haine, qui dirigeait sous les noms d’affinité, de sélection, d’incompatibilité, les mutations des corps, au temps de la chimie naissante, lorsque Boerhaave, par exemple, comparait les combinaisons à des alliances voulues et conscientes où les élémens conjoints, rapprochés par la sympathie, célébraient de justes noces.


L’assimilation des corps bruts aux corps vivans, et du règne inorganique au règne organique était, dans l’esprit de ces philosophes, la simple conséquence des principes de continuité et d’évolution posés a priori. Mais il y a un principe à ces principes, et il apparaît clairement sous l’appareil des raisonnemens philosophiques. C’est l’affirmation de l’impuissance de tout arrangement ou combinaison d’élémens à faire apparaître aucune activité nouvelle qui serait hétérogène aux activités des élémens composans. L’homme est une argile vivante, disent Diderot et Cabanis ; et d’autre part, il est un être pensant. Comme il est impossible de faire sortir ce qui pense de ce qui ne pense pas, il faut donc que l’argile ait un rudiment de pensée, à moins que le phénomène nouveau, pensée, ne soit le fait de l’arrangement de cette argile. — Le protoplasme vivant, dit un autre, n’est qu’un assemblage d’élémens bruts ; il faut donc que ces élémens bruts aient un rudiment de vie, sans quoi la vie serait le fait de leur simple assemblage. — L’homme, l’animal, sont des combinaisons d’atomes, dit M. Le Dantec ; il est plus naturel d’admettre que la conscience humaine est la résultante des consciences élémentaires des atomes constitutifs que de la considérer comme résultant de la construction même, au moyen d’élémens dépourvus de conscience. — « La vie, dit Haeckel, est universelle ; on ne pourrait en concevoir l’existence dans certains agrégats matériels, si elle n’appartenait pas à leurs élémens constitutifs. »