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l’homme. J’ai vu un kalioun modeste dont le récipient était, je crois, en cuir ; cela me semble très commode et plus facile à manœuvrer. Enfin, monsieur, veuillez choisir vous-même quelque chose de simple et d’usuel. Le prix de cent francs dont vous me parlez me semble très convenable pour un fumeur qui n’est ni Khan ni Mirza.

J’ai à vous remercier de votre quatrième volume, que j’ai lu il y a trois mois. J’aurais bien quelques objections à vous faire sur l’histoire de notre Gaule et celle des races germaniques. Il m’a semblé que vous attachiez trop d’importance aux observations encore bien incomplètes de mon ami M. Worsaae. Il y a dans son système un côté très séduisant, mais je ne puis m’empêcher de croire que la plupart des monumens qu’il considère comme très anciens, appartiennent à une époque beaucoup plus rapprochée de nous. Les blocs de granit travaillés de Gavr’Innis, ceux qu’on a transportés du continent dans les îles de la Bretagne, ne remontent pas à l’âge de pierre. Les premiers n’ont pu être arrangés que par des gens en possession d’instrumens de fer ou même d’acier bien trempé. Le tableau que vous faites de l’ancienne société germanique me paraît excellent de tout point. Je suis malheureusement si ignorant que je ne puis pas contrôler les autorités sur lesquelles vous vous appuyez. Mais cela doit être vrai, et vous portez la conviction dans l’esprit de votre lecteur. Je suis bien plus ignorant des choses de l’Amérique que de celles de la Germanie. Permettez-moi cependant de vous contester les conclusions que vous tirez du style des sculptures mexicaines. Je crois que vous ne tenez pas assez compte dans les créations architecturales des besoins et de la nature des matériaux. La nature des matériaux a toujours exercé la plus grande influence sur l’art d’un peuple, et je crois que le granit, le grès et le porphyre n’ont pas peu contribué à rendre la sculpture et l’architecture stationnaire, en Égypte, tandis que la pierre calcaire et le marbre ont puissamment contribué à son développement en Grèce. Nous observons en France quelque chose de semblable, et, en considérant une carte géologique, on peut dire a priori que dans telle nature de terrain on trouvera de beaux monumens. Je crois en outre que, chez les Américains, l’art de la sculpture monumentale avait un but utile, et c’est peut-être par la tendance exagérée à l’utilité que leurs bas-reliefs ne sont pas meilleurs. Il faut les considérer, à mon avis, comme une sorte d’écriture,