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condition du monde moderne, principalement sur l’histoire des Iles Britanniques. » Et la feuille anglaise ajoute que Mahan a fait dans l’étude de l’histoire navale une révolution analogue à celle qu’avait faite Copernic dans le domaine de l’astronomie.

Cet éloge serait hyperbolique sous la plume de toute autre personne qu’un écrivain britannique. Il n’a pas paru excessif au critique anglais qui venait de lire deux ouvrages consacrés à la gloire de l’Angleterre. Mahan a été amené, en effet, par la pente naturelle de son sujet, à s’occuper principalement de la marine britannique. Il a résumé en ces deux mots, Sea power, le secret des hauts faits historiques qui ont construit le plus grand empire colonial qui ait jamais existé. Il a exposé, mis en lumière, avec une force extraordinaire, cette vérité, que l’Océan, loin de séparer les diverses portions de cet Empire, est au contraire le lien le plus fort qui assure son unité. Il est assez curieux que ce soit un Américain, un étranger, qui ait appris aux Anglais sur quel fondement réel repose la grandeur de l’empire britannique. Ce qui est certain, c’est que les Anglais ont saisi avec avidité cet enseignement, et que le nom de Mahan est aujourd’hui aussi populaire, sinon plus, en Angleterre qu’aux États-Unis.

En 1894 arriva dans la Tamise le croiseur américain Chicago, portant le pavillon du contre-amiral Erben et commandé par le capitaine Mahan. Le Times salua celui-ci de l’appellation flatteuse : the greatest living writer of naval history. Un comité fut formé pour inviter l’amiral Erben et les officiers du Chicago à un banquet. C’était une politesse rendue à l’hospitalité cordiale qui, en 1893, avait été offerte à l’escadre anglaise, à New-York, à l’occasion de la revue navale colombienne. C’était aussi un compliment à l’adresse du grand écrivain qui avait raconté l’histoire épique des hauts faits de la marine anglaise.

Mahan n’avait cependant pas eu pour objet unique d’inspirer aux Anglais une appréciation plus sûre et plus profonde des sources réelles de l’influence et de la puissance de leur pays dans le monde. Il avait voulu plus encore éveiller chez ses compatriotes le sentiment de la part qui devait leur revenir dans l’héritage de la puissance maritime, et nous avons montré plus haut comment il était lui-même en quelque sorte le produit d’une poussée de l’opinion publique vers la création d’une marine de guerre des États-Unis.

Au commencement de 1891, un spécialiste, dans une lecture