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guerre sur mer inclinait ou déterminait les péripéties de la guerre sur terre.

Arnold, dit-il, dans son History of Roma, décrit la seconde guerre punique comme la lutte du génie individuel contre les ressources et les institutions d’une grande nation. Après dix-sept années de guerre, c’est la nation qui triompha. Au commencement du xixe siècle, Napoléon lutta pendant une série d’années contre l’Angleterre ; ici encore, lutte d’un homme contre une nation. Zama termina la carrière d’Annibal et Waterloo celle de Napoléon.

Un autre historien, sir Edward Creasy, citant ce parallèle, essaie de le compléter : « Un point de la similitude entre les deux guerres, dit-il, n’a pas été suffisamment mis en lumière ; c’est le parallèle remarquable entre le général romain qui battit définitivement le grand Carthaginois, et le général anglais qui porta le dernier coup à l’empereur français. Scipion et Wellington étaient investis tous deux de commandemens d’une haute importance, mais éloignés des principaux théâtres de la guerre. Le même pays fut la scène où se développa la carrière militaire de chacun d’eux. C’est en Espagne que Scipion, comme Wellington, se rencontra victorieusement avec presque tous les généraux secondaires de l’ennemi, et les battit avant de se trouver en face du principal chef lui-même. Scipion et Wellington relevèrent l’un et l’autre dans l’âme de leurs concitoyens la confiance en leurs armes, ébranlée par une série de revers, et chacun d’eux mit fin à une guerre longue et périlleuse par une défaite complète et décisive du chef suprême et de l’élite des vétérans de l’armée ennemie. »

Mahan intervient alors et dit : « Ni l’un ni l’autre de ces deux auteurs anglais n’a fait mention de cette coïncidence encore plus frappante, que, dans les deux cas, la maîtrise de la mer était acquise au peuple à qui resta définitivement la victoire. » C’est parce que les Romains étaient maîtres de la mer au début de la lutte qu’Annibal dut entreprendre cette longue et dangereuse marche à travers la Gaule où il perdit plus de la moitié de ses meilleures troupes. C’est encore la possession de la mer qui permit à Scipion l’Ancien, en envoyant son armée du Rhône en Espagne, d’intercepter les communications d’Annibal, et de revenir en personne essayer d’arrêter, à la Trébie, l’envahisseur.

Mahan dit encore que l’issue décisive de la bataille du