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Réveillé par les premiers rayons du jour, et les devançant pendant l’hiver, le jeune Henri, déjà familiarisé avec les habitudes viriles et militaires, saute de son lit avec gaieté… Il s’habille à la hâte, sans réclamer aucun secours,… etc.


On connaît la page des Mémoires d’outre-tombe dans laquelle Chateaubriand, avec son style inimitable, raconte la leçon d’équitation :


Il monta deux chevaux, le premier sans étriers, en trottant à la longe, le second avec étriers, en exécutant des voiles, sans tenir la bride, une baguette passée entre son dos et son bras. L’enfant est hardi et tout à fait élégant avec son pantalon blanc, sa jaquette, sa petite fraise et sa casquette… Henri est mince, agile, bien fait ; ses mouvemens sont brusques ; il vous aborde avec franchise ; il est curieux et questionneur ; il n’a rien de cette pédanterie qu’on lui donne dans les journaux ; c’est un vrai petit garçon, comme tous les petits garçons de douze ans. Je lui faisais compliment sur sa bonne mine à cheval : « Vous n’avez rien vu, me dit-il, il fallait me voir sur mon cheval noir, il est méchant comme un diable, il rue, il me jette par terre, je remonte, nous sautons la barrière…


Moins enthousiaste est le nouveau sous-gouverneur, que ses fonctions obligent d’accompagner le prince dans ses promenades à cheval. M. d’Hautpoul avoue que depuis sept ou huit ans, il n’a pratiqué l’équitation et que les rhumatismes lui en rendent l’exercice pénible ; il trouve le cheval de son prédécesseur dur et désagréable ; il blâme M. O’Hégherty de faire faire au prince des exercices trop forts pour son âge.

Quant au caractère violent du petit prince, aux scènes de colère qui en étaient la conséquence, nous ne croyons pas que M. d’Hautpoul exagère : le Duc de Bordeaux tenait de son père une fâcheuse disposition à l’emportement. Cette disposition ne devait-elle pas être exaspérée, pendant cette année 1833, par les intrigues que le jeune prince sentait autour de lui, par le peu d’entente de ses maîtres, par tous les changemens de personnes et de systèmes qu’il était obligé de subir ? Hâtons-nous d’ajouter que dès son enfance, il revenait rapidement de sa colère et témoignait, à ceux qui en avaient été l’objet, une bonté charmante. Nul prince peut-être n’a eu d’amis plus fidèles, de serviteurs plus attachés.

Le baron de Damas, on l’a vu, traitait cette violence de caractère, au physique, par le grand air et l’exercice ; au moral, il évitait autant que possible les punitions et pensait que chez