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large en moyenne d’un kilomètre ; à notre droite, une nouvelle échancrure s’enfonce dans les terres : c’est la baie « Sans nom » où s’abrite la « défense mobile. » Sur la pointe qui porte Je vieux marabout de Sidi-Salah, s’élève une belle construction neuve : là, dans un admirable site, dominant le goulet, la rade et l’entrée du lac, réside l’amiral commandant la division de Tunisie. Nous abordons au fond de la baie, auprès d’une frégate d’ancien modèle, le Talisman, qui sert de caserne, de bureaux et de magasin à la « défense mobile. » Près d’elle, sont rangés les longs fuseaux gris des quatorze torpilleurs attachés au port de Bizerte ; explorateurs infatigables des côtes africaines, ils vont, rasant les falaises, scrutant les plus petites criques, jusqu’à la Goulette, où ils ont une « station, » jusqu’à Sfax, et jusque dans cette belle rade que l’île de Djerba sépare de la haute mer. À terre, un grand enclos abrite la maison du commandant de la « défense mobile, » une caserne, des ateliers de réparation, le magasin des torpilles, en un mot tout ce qui est nécessaire pour entretenir, armer, réparer toute une flottille de torpilleurs. Au milieu du goulet, immobiles sur leurs ancres, stationnent les autres bâtimens de la division navale : le contre-torpilleur Flèche, du type de ces élégans et rapides coureurs qui portent des noms d’armes, Espingole, Fauconneau, Dragonne, Hallebarde et cette Framée dont le destin fut si tragique. Près de la Flèche, voici le Casablanca, un petit croiseur de mille tonnes qui a donné aux essais une vitesse de 25 nœuds ; et, enfin, la Tempête, un vieux cuirassé garde-côtes, lancé en 1875, au temps où la puissance des cuirasses passait pour le seul facteur essentiel de la victoire ; ses formes, lourdes et massives, « en fer à cheval, » sa faible vitesse de huit nœuds au maximum, le rendent impropre à une action à grand rayon ; mais la puissance de ses deux canons de 270, parfaitement abrités dans une tourelle blindée, font, de cette batterie cuirassée, flottante et mobile, une unité de combat qui n’est pas sans valeur pour la défense d’un port. Avec la canonnière cuirassée Phlégéthon, et sans compter un « sous-marin » dont on attend avec impatience l’arrivée promise, ce sont là tous les élémens de la « défense mobile ; » s’ils ne constituent pas encore une force offensive importante, ils sont assez puissans déjà pour faire respecter, avec l’appui des forts, les positions confiées à leur garde, pour surveiller le canal sicilien-africain et les abords de Malte. Les travaux, hâtivement exécutés autour de