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format ne fait rien à l’affaire. La préface n’est pas seulement d’un absolutiste en matière religieuse : elle est d’un tortionnaire. « Si, au lieu de brûler les écrits de Luther dont les cendres retombèrent sur l’Europe comme une semence, on avait brûlé Luther lui-même, le monde était sauvé, au moins pour un siècle. » Après avoir brûlé Luther, encore aurait-il fallu trouver le moyen de supprimer Descartes. En effet, le cartésianisme a été accepté tranquillement par les esprits de la plus haute orthodoxie, comme Bossuet par exemple ; donc Descartes a fait plus de mal que Bacon, quoique celui-ci ait inventé l’expérimentalisme qui mène au matérialisme qui est la « philosophie de la digestion et du fumier. » Vient ensuite un superbe panégyrique de Joseph de Maistre et de Bonald ; et l’œuvre se termine par quelques mots sur Lamennais. « Démocrate isolé, momie sans arôme et sans bandelettes d’un républicanisme pourri, qui coule en déliquescence et Hue de toutes parts autour de nous, il n’est dangereux qu’à la manière de l’infection. » Tel est chez Barbey d’Aurevilly l’apologiste de la religion chrétienne et le polémiste.

Joseph de Maistre n’a pas écrit de romans licencieux, et Bonald n’a pas conté d’histoires d’alcôve. C’est par où le disciple se distingue de ses maîtres. La tradition que représente ici Barbey d’Aurevilly est celle de Crébillon fils et de Laclos. Un homme marié à une femme jeune, belle, et qu’il aime, revient à une ancienne maîtresse, vieillie, laide, et dont il a une espèce d’horreur. A quelle obscure servitude obéit-il ? Quels liens ont noués entre ces deux êtres d’anciennes voluptés ? Le héros d’Une vieille Maîtresse, Ryno de Marigny constate avec effroi et satisfaction ce pouvoir qu’a sur lui la Vellini. « Avec une inflexion de ses membres de mollusque dont les articulations d’acier ont des mouvemens de velours, elle faisait tout à coup relever les désirs entortillés au fond de mon âme, comme le soleil fait retourner vers lui des convolvulus repliés. » Tel est le sujet et tel est le style. Les meilleurs amis de l’écrivain s’étonnent et déplorent qu’un défenseur de la foi se complaise à de pareilles peintures. Il ne s’embarrasse pas pour si peu. Il a une réponse toute prête. « Le catholicisme est la science du bien et du mal. Il sonde les reins et les cœurs, deux cloaques remplis, comme tous les cloaques, d’un phosphore incendiaire. Il regarde dans l’âme : c’est ce que j’ai fait. Ce que j’y ai montré s’y trouve-t-il ? J’ai fait comme un confesseur et un casuiste, j’ai jaugé les immondices du cœur humain. Me préserve le bon sens de comparer le prêtre et l’artiste ! Mais tous deux ont leur fonction. J’ai dit la passion et ses fautes, et, certes, je n’en ai pas fait l’apothéose. Seulement j’ai fait