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pour avoir un prétexte à déclarer la guerre. Il veut garder Malte et l’aura ; et, à la chute de l’empire ottoman, il s’emparera de l’Egypte. » Markof enfin, après l’événement accompli et le rappel de l’ambassadeur anglais à Paris : « Ce fut un dernier trait de lumière pour moi que l’Angleterre voulait fortement, sinon la guerre, du moins l’annulation du traité d’Amiens, qui serait l’effet du premier coup de canon tiré de part et d’autre. »


III

Au reçu du rapport de Whitworth sur la scène du 18 février, Hawkesbury, très ému, se demanda s’il ne convenait pas de publier le récit. Malmesbury l’en détourna, sauf à élever le ton et à montrer les dents. « Bonaparte, lui dit-il, est un spadassin ; il recule quand on avance ; il avance quand on recule. — Il doit être fou, » opina Hawkesbury. « L’extravagance et la violence qui se montrent dans sa conversation gouvernent sa conduite, et le jetteront dans les dernières extrémités, peut-être contre son jugement, » écrivait Pitt. Et après la lecture du rapport de Sébastiani : Je le tiens pour un « exposé authentique et public » des plans de Bonaparte ; « de l’espoir qu’il nourrit de se trouver en mesure d’ordonner en maître… Nous devons nous attendre, si nous lui cédons maintenant, à nous voir obligés, au bout de quelque temps, de lui laisser prendre l’Egypte et les Sept-Iles… Je ne puis m’empêcher de conclure qu’une guerre immédiate et certaine serait un moindre mal qu’une concession aussi dangereuse et aussi honteuse. » Il concluait : « Nous devons être préparés à la possibilité d’une rupture immédiate, et, tout de suite après, ou plutôt en même temps, à une tentative de sa part pour nous frapper, dès le premier abord, à quelque endroit sensible[1]. »

De là à prendre les de vans, il n’est qu’un pas. Ils le franchirent, et d’autant plus délibérément qu’ils étaient avertis par Simon Woronzof de la note remise par Markof à Talleyrand : ils se savaient soutenus par la Russie, et ils ne doutaient pas de l’entraîner. Ajoutez les « amis » de Paris et les rapports de Whitworth. Andréossy lui-même confesse que le peuple est

  1. Pitt à son frère, 28 février ; 2 mars ; Journal de Malmesbury, 16, 20, 26, 27 février ; 2, 9 mars 1803.