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De là l’utilité, la légitimité, dans l’établissement du salaire, de ce coefficient ou de ce correctif : accidens de la couche. Si le travail comporte et si les conditions du milieu permettent l’emploi d’un explosif, une sorte de forfait intervient entre l’entreprise et l’ouvrier. On fait un prix, dynamite comprise : « Je te donne vingt francs pour tel travail. Tu prendras de la dynamite. Si tu n’en uses que pour quinze francs, tu auras cinq francs de bénéfice. Si, au contraire, tu en dépenses pour vingt-deux francs, c’est toi qui perdras quarante sous : arrange-toi. » Et le mineur tâche de « s’arranger, » de façon à ne pas perdre, et même à gagner.

En repassant l’un après l’autre les élémens qui entrent en composition dans son salaire, on voit qu’une assez grande marge est laissée à la volonté, à l’intelligence, à l’activité de l’ouvrier, et qu’il en est lui-même le maître ou l’artisan dans une assez large mesure ; il est maître, par sa volonté, par son intelligence, par son activité, d’élever son salaire, car ce n’est pas le prix uniforme et fixé, tant d’hommes à tant de l’heure, donné indifféremment à tous comme prix d’achat d’une espèce de force humaine brute. Du moins une assez grande marge est laissée à la taille et au chef de taille.

La taille de cinq ouvriers, en moyenne, quatre mineurs et un aide, avec un chef, qui n’est le plus souvent que le plus ancien ou le plus adroit ouvrier, est la véritable unité de travail, la cellule ouvrière vivante et organique de la mine. Naguère, avant la loi de 1894 sur les retraites, tous les salaires de la taille étaient versés au chef de taille, qui se débrouillait : la compagnie n’avait pas besoin de connaître et ne connaissait pas les salaires individuels entre ouvriers d’une même taille. On n’a rompu avec cet usage que parce que la loi sur les retraites, en exigeant de tous les ouvriers une retenue proportionnelle à leurs salaires, a obligé, afin que cette retenue fût sûrement proportionnelle, à établir pour tous les ouvriers des salaires individuels. Depuis lors, le prix est toujours calculé pour la taille, et tous les ouvriers proprement dits, tous les ouvriers à veine, tous les mineurs étant considérés comme égaux, la répartition se fait également entre eux, ils touchent tous le même salaire. S’il existe des différences, la Direction les ignore : il peut bien arriver, et en effet il arrive quelquefois, que les ouvriers se rendent de l’argent de la main à la main ; mais la compagnie n’en sait rien, n’en veut rien savoir ; et c’est, au surplus, l’exception.