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en rubis. Les enfans nus promènent sur ces fabuleuses richesses les lumignons de leurs torches au manche recourbé, qui fument plus qu’elles n’éclairent, qui révèlent çà et là un détail d’orfèvrerie, ou font jaillir le feu d’une pierre précieuse, mais qui laissent l’ensemble plongé dans la nuit lourde et tombale. Les murailles sont garnies de toiles d’araignées, de petites stalactites sont ruisselantes de suintemens et de salpêtre. Et toujours les vampires, réveillés en sursaut, tourbillonnent sans qu’on entende le moindre bruit d’ailes ; en passant, ils vous éventent comme d’un grand lambeau déchiqueté d’étoffe noire, et jettent leurs cris pointus, pareils à ceux d’un rat pris au piège.


X. — VERS PONDICHÉRY

En quittant le pays de Madura pour remonter vers Pondichéry, vers le Nord, on s’éloigne par degrés de l’humide région des grandes palmes ; leurs groupemens ombreux s’espacent de plus en plus, cédant le sol à des herbages, des plantations, des rizières. Et peu à peu l’air devient moins lourd, l’eau se fait rare dans les campagnes, la terre semble altérée.

Cependant la vie humaine, plus clairsemée peut-être que dans notre Europe, garde ses aspects de tranquillité pastorale. Des troupeaux de chèvres, des troupeaux de petits bœufs à bosse, sous la conduite de bergers nus, de bergères en pagne écarlate, paissent l’herbe déjà jaunie, mais encore suffisante.

Chaque village, aux maisonnettes de chaume et de terre battue, a son temple brahmanique, dont les idoles érigées en pyramide, dont les monstres perchés sur les murs, s’effritent au terrible soleil, dans le rougeoiement de la poussière. De loin en loin, sont des bouquets d’arbres énormes, à l’ombre desquels il y a toujours des dieux assis sur des trônes, et gardés par des chevaux en pierre ou des vaches en pierre, qui depuis des siècles leur font face et les contemplent.

La poussière rouge ! Elle devient d’une heure à l’autre plus tyrannique. De plus en plus, c’est la sécheresse ; on s’enfonce dans des régions qui souffrent, d’une soif sans doute anormale ; et le ciel est au beau fixe, limpide et bleu comme pour jamais.

Les cultivateurs, de tous les côtés, travaillent à l’irrigation par d’ingénieux procédés du vieux temps. Dans tous les ruisseaux qui bordent les rizières, on voit des hommes, descendus jusqu’à