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dans le trait et la même façon, nette et vive, de présenter et d’analyser les visages. La confusion devient plus facile encore lorsque le modèle est italien. Or, rien n’est plus italien que Spinelli, avec son teint basané, sa chevelure brune, abondante, en désordre, sa physionomie hardie et vive, et sa façon de présenter sa médaille. On ne saurait douter que les deux grands portraitistes ne se soient connus. Où cela ? En Italie ou à Bruges ? A Bruges, probablement, où le peintre de Messine est venu compléter son instruction technique. En 1469, il avait 25 ans ; quatre ans après, on le trouve établi à Venise, où il communique aux frères Bellini les secrets qu’il a, dit-on, appris en Flandre. On peut donc, en toute vraisemblance, trouver, dans le portrait de Spinelli, né en 1430 et qui porte bien de 35 à 40 ans, la marque de l’impression faite sur le Brugeois par le style résolu de son confrère. Le style des Flamands, en revanche, ne put manquer d’encourager fortement l’Italien dans son hardi naturalisme. Seulement, tandis que nous verrons Antonello, à Venise, accentuer de plus en plus, par la saillie en pleine lumière, le caractère âpre et provoquant de ses effigies, nous verrons, au contraire, Memlinc, après cet accès d’énergie, revenir assez vite à ses habitudes et à son tempérament, atténuer de plus en plus la sécheresse de ses contours et trouver, de plus en plus, le charme pénétrant et profond de ses portraits dans la souplesse fine et discrète des modèles délicats, et dans les nuancemens attendris et légers des colorations changeantes.

Tous les chefs-d’œuvre que nous avions coutume d’admirer en silence dans la petite salle, modeste et recueillie, de l’hôpital Saint-Jean sont ici au complet. Le Mariage de sainte Catherine (1479), l’Adoration des Mages (1479), la Mise au Tombeau (1480), le saint Christophe (1484), la Sybille Sambetta (Fille de Guillaume Moreel), la Vierge et le Portrait de Martin Van Nieuwenhove (1487), la Châsse de sainte Ursule (1489). Tous semblent, à vrai dire, un peu dépaysés en ce milieu moins calme, et si on leur pardonne d’avoir, pour quelques jours, abandonné leur retraite, c’est que leur présence était nécessaire, parmi les autres ouvrages du maître envoyés des quatre points cardinaux, pour augmenter sa gloire et affirmer, dans ce concours passager, leur propre excellence. Du tableau de sir John Donne au Mariage mystique, en une dizaine d’années, que de progrès ! Sauf les donateurs supprimés, ce sont à peu près les mêmes personnages et la