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à temps au dehors. Tout le monde s’accorda à reconnaître qu’il serait vain de vouloir imposer un délai de préavis à la dénonciation du contrat de travail, car aucune sanction pratique ne pouvait assurer l’application d’une semblable prescription. Seul, ou à peu près, un délégué belge, M. Harzé, tout en concédant que les divers remèdes prônés par ses collègues n’étaient ni indifférens au point de vue humanitaire, ni inefficaces pour diminuer l’acuité des luttes sociales, eut la franchise de proclamer que la matière des grèves, dans la civilisation contemporaine, échappe à toute règle et, par conséquent, à toute réglementation.

Les grèves, dit-il, éclatent dons tous les pays, sous les régimes politiques les plus différens, en temps de crise comme aux heures de prospérité, dans les populations aisées aussi bien que parmi les misérables, qu’elles soient secourues ou non par l’initiative patronale ou tenues en tutelle « éclairée » par l’autorité de l’Etat. La conquête d’un salaire convenable, rémunérant un travail sans excès, est l’objectif principal de tout ouvrier sérieux. Mais où est la norme permettant de décider si ce salaire est convenable ? Il est moindre en Belgique qu’en France : soit, mais la vie est moins chère dans le bassin de Mons ou de Charleroi, qu’elle ne l’est à Anzin ou à Lens, et, si l’on prétendait conclure quelque entente, il faudrait faire entrer en compte ce facteur capital pour que la comparaison fût possible. Ce n’est pas tout : en Belgique même, il diffère d’une région à l’autre, il est plus élevé par exemple à Liège que dans le Centre. Pourquoi ? Les conditions du travail et la richesse des gisemens ne sont pas les mêmes. De 1885 à 1887, l’ouvrier du fond a produit en Angleterre 410 tonnes par an, en Prusse 352, dans le Nord de la France 295, en Belgique 232 seulement, ou 280 si l’on écarte de la statistique les demi-ouvriers (garçons et femmes) qui ne fournissent pas la pleine journée de travail. Est-ce à dire que telle race soit supérieure à telle autre sous le rapport de la capacité productrice ? Non pas : chacun sait, au contraire, que le mineur belge est fort recherché et très apprécié par les bouilleurs français. Mais, en France, les couches sont belles ; en Belgique, on opère dans des veines que d’autres pays jugeraient souvent inexploitables. Si bien que, si l’on édictait jamais une règle uniforme, il faudrait, pour qu’elle ne fût pas inique, faire jouer pour chaque pays, bien mieux, pour chaque exploitation, pour