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rendît guère propre : le relèvement et la réforme d’une abbaye.

C’est encore une des erreurs qui ont communément cours sur l’ancien régime, de croire que toutes les abbayes étaient riches. Il y en avait de fort pauvres, soit qu’elles eussent été insuffisamment dotées à l’origine, soit que leurs biens eussent été mal administrés. Elles se voyaient alors réduites à vivre d’aumônes, tout comme certaines communautés de nos jours. Parfois il arrivait aussi que la pauvreté amenait un certain relâchement, sinon dans les mœurs, — car c’était, au contraire, dans les abbayes élégantes et riches que les désordres se produisaient, — du moins dans la discipline. Tel avait été en particulier le cas dans une vieille abbaye de l’ordre de Saint-Bernard, l’abbaye de Gomerfontaine, dont la régularité avait subi de graves atteintes durant l’administration de la dernière abbesse, centenaire et en enfance depuis vingt ans. Le Roi avait donné cette abbaye à Mme de la Viefville, parente du cardinal de Noailles. La jeune abbesse, qui n’avait que vingt-huit ans, avait été élevée à Saint-Cyr. Sentant la difficulté de sa tâche, elle s’adressa à Mme de Maintenon « pour lui demander ses avis et l’honneur de sa protection. » « Mme de Maintenon, continuent les Mémoires des Dames de Saint-Cyr, qui aimoit toutes les demoiselles de Saint-Cyr, et en particulier celle-là à cause qu’elle étoit fille d’esprit et de mérite, pour être d’une maison qui lui étoit chère et, par-dessus cela, une excellente religieuse, se sentit tout d’un coup portée à l’aider non seulement de son crédit et de ses libéralités, mais aussi de ses conseils. »

L’abbesse de Gomerfontaine flattait ainsi, en s’adressant à elle, un des secrets désirs de Mme de Maintenon qui était de travailler par l’exemple de Saint-Cyr à la réforme du régime et de l’éducation dans les autres maisons religieuses. « Il y a, disait-elle, dans l’Institut de saint Louis, de quoi renouveler dans tout le royaume la perfection du christianisme. » Aussi ne crut-elle pouvoir mieux répondre aux désirs de la jeune abbesse qu’en lui envoyant Mlle d’Aumale pour l’aider à bien élever les pensionnaires et pour l’assister de ses conseils. Au moment du départ de Mlle d’Aumale, Mme de Maintenon lui remit une note qui débute ainsi : « Il faut. Mademoiselle, vous servir, en cette occasion que Dieu vous présente de travailler pour sa gloire, de toute la piété et de toute la raison qu’il vous a données et employer utilement, pour le bien de la maison où vous allez, la capacité et