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demi-colonnes ioniques, un masque de satyre modelé en stuc et point en rouge vif. Il ne faut pas dédaigner ces vestiges en apparence insignifians, car ce sont les plus anciens témoignages qui nous renseignent sur l’histoire du style décoratif de Pompéi. À n’en pas douter, on constate ici l’emploi d’un système d’ornementation qu’on a appelé le premier style pompéien, parce qu’il est appliqué dans les maisons les plus anciennes, celles qui datent du second siècle avant notre ère, et sont antérieures au temps où la ville campanienne reçut la colonie de vétérans établie en 80 par P. Sulla[1]. Ce style a pour caractère propre d’imiter, à l’aide du stuc peint, des revêtemens en marbre de couleur, ou de figurer, toujours en stuc, des élémens architecturaux, frises de métopes, pilastres, demi-colonnettes encadrant des niches où l’on disposait des vases et des statuettes. En réalité, il n’est point pompéien d’origine ; il est grec, et je ne connais pas d’hypothèse plus satisfaisante que d’en placer le lieu de naissance à Alexandrie, où l’on se servait sans doute de vrais marbres diversement colorés pour incruster les murs des riches habitations. La Grèce hellénistique s’empressa de l’adopter, non sans remplacer parfois le marbre par une matière plus économique, le stuc. C’est le style qui règne à Priène et à Pergame ; il est en faveur à Délos, où l’on voit cependant s’annoncer les motifs décoratifs qui jouiront d’une si grande vogue à Pompéi, c’est-à-dire l’élément végétal et la figure humaine. Avec ses murs décorés de guirlandes de feuillage, d’amours aux ailes bleu de ciel voltigeant parmi les fleurs, la maison délienne nous montre déjà la transition entre le style de Priène et le second style de Pompéi.

Comment un riche habitant de Priène meublait-il les pièces de réception qui étaient ouvertes aux visiteurs ? À vrai dire, les objets mobiliers découverts dans ces habitations ruinées sont en petit nombre. Des tables de marbre, avec des supports se terminant en pattes de lion, des brûle-parfums et des candélabres, des vases de bronze, voilà ceux qui retiennent surtout l’attention. Il est probable qu’en tenant compte de la différence des temps, le mobilier, où se faisait sentir l’influence du goût hellénistique, devait offrir bien des analogies avec celui de la maison pompéienne, si grecque à bien des égards. Mais les fouilles de Priène nous apportent des renseignemens nouveaux sur le rôle que

  1. Voir A. Mau, Pompeji in Leben und Kunst, p. 418 et suivantes.