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aller prendre, au débouché de 13elle-Islc, le troisième paquebot, la France, qui porte les troupes embarquées à Lorient. Nous retrouverons ce groupe dans l’après-midi.

A 8 heures, appareillage du gros de l’escadre et des deux transports, Atlantique et Médoc. Celui-ci passe tout près de nous : triple étage de pantalons rouges dont les propriétaires regardent de tous leurs yeux un spectacle si nouveau. Très crânes, quelques-uns sont assis sur la rembarde du plat-bord… « Attendez un peu, mes garçons, dit le loustic Potrel, voilà la houle qui vient ; nous allons voir la tête que vous allez faire !… »

Les môles des jetées de la rade-abri sont noirs de monde ; des voitures courent sur la route de Sainte-Anne qui raie de gris, tout du long, le relief sombre et la forte verdure de la côte.

La division légère — croiseurs cuirassés et croiseurs protégés[1] — allonge son allure, nous devance au-delà du goulet, vers les Tas de Pois, et prend une position qui lui permettra de garder le contact à la fois avec le groupe Bouvines et avec le gros de l’escadre.

Au passage du raz de Sein, fort courant portant au Nord et contrarié par le vent ; aussi avons-nous un clapotis assez dur. Le Fontenoy remue un peu et nous regardons instinctivement les deux paquebots. Mais non : ces grandes coques ne bougent pas. Si nous avions, en travers, la longue houle qu’on rencontre si souvent ici, ce serait autre chose. Potrel en est pour sa prédiction.

Passé le raz, la division légère se déploie à grande distance, nous couvrant vers le sud, d’où viendront les trois cuirassés de Toulon, considérés comme une force navale ennemie ayant pour mission de s’opposer à la descente et de détruire les paquebots.

Pendant ce temps, le gros de l’escadre se dédouble, les trois grands cuirassés restant en tête avec le Médoc, les deux gardes-côtes et l’Atlantique viennent former une deuxième colonne sur adroite et un peu en retrait de la colonne principale. A 5 heures, lorsque le Bouvines et le Tréhouart nous rallient, escortant le paquebot la France, ce groupe reçoit l’ordre de former, à gauche de l’amiral, une troisième colonne symétrique à la nôtre. Les contre-torpilleurs garnissent les lianes, répétant les signaux.

  1. Les premiers (de 4 000 à 6 000 tonnes) ont un blindage de flanc en même temps qu’un pont cuirassé : les seconds (au-dessous de 4 000 tonnes) n’ont qu’un pont cuirassé.