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donne toujours la possession du sol. N’est-ce pas quelque chose de prodigieux qu’un pays qui dépense des millions par an pour organiser des concessions interdites à ses émigrans et accessibles à l’élément d’origine étrangère ? Le seul prétexte en apparence plausible qu’aient pu invoquer les partisans de la colonisation par l’intervention directe de l’Etat a toujours été la nécessité d’implanter de force une population française qui fût capable de maintenir, malgré l’afflux des immigra us et des nationalisés, la prépondérance de l’élément et de l’esprit national. Et voilà qu’aujourd’hui la colonisation officielle est devenue l’agent très actif de la formation d’une nationalité algérienne dans laquelle l’élément français pourra n’être qu’un facteur secondaire ! Dans la voie où elle est lancée depuis le vote de la loi sur les naturalisations et les dernières mesures relatives à l’obtention des concessions gratuites, l’Algérie marche à une situation où l’élément français sera livré au bon plaisir de l’élément naturalisé et où le loyalisme d’une colonie reposera sur des fils d’étrangers. Qu’on veuille bien réfléchir à ces faits, et l’on aura peut-être l’explication de bien des agitations qui ont secoué dans ces dernières années la colonie.


VI. — LE MEILLEUR MODE DE COLONISATION

Toute notre politique coloniale en Algérie n’a erré dans cette affaire capitale de la colonisation que parce qu’on a bien voulu croire que le meilleur système pour implanter la race française en Afrique était le système de la colonisation officielle. Depuis soixante ans, on a suivi ce système sans qu’on ait eu la pensée de vérifier si les résultats qu’il donnait étaient bons ou mauvais ou même s’ils donnaient un résultat quelconque. On n’a pas voulu s’enquérir de ce qui s’est fait dans le passé ; on est toujours allé de l’avant, on a vécu au jour le jour, au petit bonheur, et l’on a abouti à la crise actuelle et à l’état de malaise dans lequel se débat l’Algérie. Ce qui est fait est fait. Mais nous serions inexcusables si nous continuions de pareils erremens et si les leçons du passé restaient vaines pour nous.

Et tout d’abord nous devons abandonner définitivement le système de la colonisation officielle, qui fut à peu près stérile et nuisible dans le passé, qui crée maintenant le danger de l’avenir. On dirait d’ailleurs que le Parlement a deviné le danger. Les