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C’est à ce petit nombre de lépreux autochtones que se réduirait la clientèle de l’asile que dom Sauton se propose d’ouvrir dans les Vosges. Mais, à côté de ceux-là, il faut compter tous ceux qui, venus de l’étranger ou des colonies, débarquent à Bordeaux, à Marseille ou à Toulon : employés, agens commerciaux, missionnaires, soldats, sœurs de charité, infirmiers ; catégorie qui s’accroît sans cesse, et qu’il s’agit de grouper et de soigner pour éviter qu’ils ne disséminent et n’allument sur toute l’étendue du territoire de nouveaux foyers d’où le mal, retrempé, en quelque sorte, à ses sources, s’élancerait avec une virulence et une puissance d’expansion redoutables. Au total, c’est un maximum de 3 ou 400 malades qu’il y aurait à hospitaliser en France.

Dans la séance du 21 mai dernier, le savant rapporteur de la Commission académique, le docteur Besnier, déclarait que cette création d’une léproserie serait fort utile au point de vue humanitaire ; qu’elle ne constituerait pas un danger pour le voisinage ; qu’elle rendrait de grands services. Il lui paraît seulement qu’elle serait mieux placée sur le littoral méditerranéen, qui est à fois le point d’accès des malades d’outre-mer et le berceau des malades autochtones. L’internement, d’ailleurs, n’y devrait pas être obligatoire : il n’y aurait ni placement d’office, ni séquestration, comme dans les maladreries du temps passé ; ce serait un sanatorium libre.


On vient de voir que c’est le mouvement colonial qui a ravivé le fléau presque éteint en Europe, comme autrefois, le mouvement des Croisades avait eu un effet analogue. L’activité des échanges entre les populations métropolitaines et exotiques se traduit d’abord par l’échange de leurs maladies. La situation, à cet égard, est la même pour l’Allemagne que pour nous. L’expansion mondiale de nos voisins a eu pour effet l’importation de quelques cas de lèpre. Jusqu’en 1840, le mal était complètement inconnu en Prusse. Il y a quelques années, une petite épidémie éclatait dans le district de Memel et faisait périr 19 personnes. En 1899, 17 localités, autour de la ville, étaient contaminées. Le service sanitaire n’a pas hésité à y ouvrir une léproserie.

L’administration allemande a l’habitude des mesures immédiates et rigoureuses. Elle n’a pas voulu que l’épidémie de Memel eût une seconde édition. Il y a deux ans, un commerçant de l’Amérique du Sud, originaire de Rostock, dans le duché